LE CONSEIL,

VU l'article 5 b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques, en date du 14 décembre 1960 ;

VU la Recommandation du Conseil, en date du 26 mai 1972, sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international [C(72)128] ;

CONSIDÉRANT l'utilisation et les dangers du mercure, ainsi que les possibilités de lutter contre les émissions et les conséquences économiques qui en découlent ;

Sur la proposition du Comité de l'environnement ;

I.          RECOMMANDE aux Gouvernements des pays Membres de prendre des mesures :

a)     pour réduire au minimum les émissions de mercure provenant d'activités humaines, en portant une attention toute particulière à :

·           l'élimination des composés d'alkyl-mercure dans toutes les utilisations permettant à ces substances d'atteindre l'environnement sous une forme ou sous une autre ;

·           la réduction au minimum des quantités de mercure contenues dans les effluents d'installations qui utilisent ou fabriquent des produits chimiques à base de mercure.

b)    les objectifs immédiats de ces mesures devant être :

·           d'éliminer l'utilisation de composés d'alkyl-mercure en agriculture ;

·           d'éliminer l'utilisation de tous les composés du mercure dans l'industrie des pâtes et papiers ;

·           de réduire au minimum le rejet de mercure provenant d'installations où se fait l'électrolyse des chlorures alcalins dans des cellules au mercure.

II.         INVITE les Gouvernements des pays Membres :

a)     à faire connaître à l'Organisation les mesures de contrôle prises en application de la présente Recommandation ;

b)    dans la mesure du possible, à échanger, au sein du Comité de l'environnement, chaque année, à partir du 1er janvier 1974, les renseignements suivants :

·           quantité d'alkyl-mercure utilisée en agriculture et horticulture ;

·           quantité de mercure utilisée dans l'industrie des pâtes et papiers ;

·           quantité de mercure rejetée par l'industrie des chlorures alcalins dans l'air, l'eau et sous forme de déchets solides ;

·           consommation nationale nette totale de mercure.


 

ANNEXE

 

NOTE TECHNIQUE ET CONCLUSIONS CONCERNANT LE MERCURE

Nature du problème posé par le mercure

1.         Le mercure et ses composés apparaissent naturellement dans l'environnement, mais l'usage qui en est fait par l'homme peut se traduire par une forte augmentation des concentrations locales, ce qui représente un sérieux danger pour la santé. Dans l'état actuel des connaissances, le danger le plus immédiat pour l'homme provient du méthyle-mercure (un alkyl-mercure) ; c'est pourquoi l'on se préoccupe tout particulièrement de l'utilisation du mercure sous cette forme. Toutefois, on a constaté que, dans des écosystèmes aquatiques, d'autres formes de mercure, notamment de mercure inorganique, peuvent être transformées en méthyle-mercure, produit qui peut, à son tour, être absorbé et se concentrer le long de la chaîne alimentaire. Bien que les effets de ce processus ne puissent, pour le moment, être déterminés à l'avance, ils peuvent évidemment se produire de manière à être potentiellement nuisibles pour les organismes supérieurs, l'homme y compris, surtout si cette absorption et cette concentration se poursuivent pendant un laps de temps prolongé. Cet effet, plus lent mais plus insidieux, soulève des inquiétudes en ce qui concerne les produits d'eau douce et marins, ainsi qu'en ce qui concerne les rejets de mercure par l'industrie. Les problèmes posés par l'utilisation du mercure et sa toxicité dans l'environnement ont été examinés dans les rapports intitulés : « Les effets biologiques du mercure » [NR/ENV/72.55] et « Le contrôle de l'utilisation du mercure et de ses émissions - l'expérience du Japon, de la Suède, du Canada et des Etats-Unis » [NR/ENV/72.41].

Accords internationaux concernant le problème posé par le mercure

2.         FAO/OMS

Les actions menées à l'échelon international pour contrôler les émissions de mercure sont de deux ordres. Tout d'abord, le Comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires suit en permanence le problème que pose l'absorption par l'homme de composés du mercure présents dans son alimentation. Ce Comité a recommandé en 1967 de décourager fortement toute utilisation de composés du mercure qui augmente la concentration en mercure des aliments. Le rapport de la seizième réunion de ce Comité d'experts (avril 1972) a récemment été publié (Série de rapports techniques OMS, n° 505). Il recommande, à titre provisoire, une dose hebdomadaire tolérable ne dépassant pas 0,3 mg de mercure total par personne ; pas plus de 0,2 mg de cette dose ne doit contenir du méthyle-mercure (exprimé en poids de mercure).

Conventions sur le déversement de déchets dans l'océan

3.         En second lieu, une action se développe rapidement au niveau international en ce qui concerne les questions de la pollution marine et le déversement de produits chimiques dans l'océan. La Convention pour la prévention de la pollution marine par les opérations d'immersion par les navires et aéronefs (Convention d'Oslo, 1972) et la Convention sur les déversements de déchets dans l'océan (qui sera soumise pour signature en décembre 1973) interdisent formellement le déversement du mercure et de ses composés dans l'océan. Un mémorandum technique de cette dernière Convention déclare que, selon les conseils d'un Groupe de travail technique, les déchets contenant de petites quantités de composés inorganiques du mercure, solidifiés par intégration à du béton, pourront être déversés à des profondeurs qui ne seront pas inférieures à 3 500 m, dans des conditions qui ne soient pas nuisibles à l'environnement marin ni à ses ressources biologiques. Cette méthode de déversement des déchets peut être utilisée seulement pendant cinq ans après la mise en vigueur de la Convention.

Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain

4.         Dans un contexte plus général, la Conférence des Nations Unies qui s'est tenue à Stockholm a adopté certaines recommandations sur ce sujet, en vue de leur transmission à l'Assemblée générale ; elle a ainsi recommandé :

a)     que les Gouvernements utilisent les moyens pratiques les plus efficaces dont ils disposent pour minimiser le rejet dans l'environnement de substances toxiques ou dangereuses, en particulier lorsqu'elles sont persistantes comme les métaux lourds et les composés organochlorés, et cela tant qu'il n'a pas été prouvé que ce rejet ne comportera pas de risques inacceptables ou à moins que l'utilisation de ces substances soit essentielle pour la santé humaine ou la production de denrées alimentaires. Dans le cas d'une telle utilisation, des mesures de contrôle appropriées devront être appliquées ;

b)    que le Secrétaire général des Nations Unies, en faisant appel aux ressources de l'ensemble des organismes des Nations Unies et avec le concours actif des Gouvernements et des organismes internationaux appropriés à vocation scientifique ou autre, développe les moyens dont disposent les organismes des Nations Unies pour faire connaître et signaler à l'avance les effets nocifs, sur la santé et le bien-être de l'homme, des polluants résultant de l'activité humaine.

Conclusions de l'enquête du groupe sectoriel du Comité de l'environnement sur la présence non délibérée de produits chimiques dans l'environnement.

5.         Le Groupe de travail composé d'experts nommés par le Canada, le Japon, la Suède et les Etats-Unis, chargé de faire rapport sur les mesures déjà prises par leurs Gouvernements pour réduire les émissions de mercure dans l'environnement, ainsi que sur l'efficacité, le coût et la justification de ces mesures, a résumé les points communs que présentent les politiques adoptées par leurs pays. Il ressort clairement de ce document que le problème essentiel posé par le mercure a trait à la protection de la santé de l'homme. On s'inquiète aussi de prévenir les perturbations écologiques possibles. Pour ce qui est des dangers pour la santé de l'homme, l'expérience du Japon souligne la nécessité de prendre des mesures préventives, avant que la santé et le bien-être n'aient été atteints.

6.         En matière de réglementation, on s'est attaché essentiellement à interdire, restreindre et empêcher l'introduction de mercure dans l'environnement de façon à limiter, autant que possible, l'absorption de mercure par les espèces biologiques et par l'homme. Les remèdes adoptés ont certaines incidences sur l'industrie et les échanges mais il ne semble pas que l'institution d'un contrôle rigoureux sur l'utilisation des composés du mercure doive entraîner des perturbations majeures sur le plan économique. Toutefois, si différents pays Membres ne parvenaient pas à adopter des politiques compatibles entre elles, les industries directement touchées pourraient bien connaître des difficultés inutiles.

7.         Il importe aussi de noter dans quelle mesure le Canada, le Japon, la Suède et les Etats-Unis ont pu réglementer l'utilisation du mercure et les rejets de ce produit dans le cadre de leur législation en vigueur et sans avoir besoin pour cela de faire voter des dispositions spéciales. Les composés du mercure, du fait qu'ils entrent dans la catégorie des produits toxiques, ont été soumis à divers contrôles dans le cadre des lois qui régissent l'utilisation des pesticides, les rejets de déchets dans les égouts, les rejets directs de déchets dans les eaux réceptrices, les aliments et produits pharmaceutiques, la pêche, ainsi que des dispositions adoptées plus récemment dans certains pays pour habiliter les autorités administratives à prendre des mesures plus larges contre la pollution de l'environnement.

8.         Enfin, dans une perspective à plus long terme, le Groupe de travail a attiré l'attention, dans son rapport, sur la nécessité de procéder à de nouvelles enquêtes sur le mercure et ses composés dans plusieurs domaines. On peut citer, à cet égard, les émissions de mercure dans l'atmosphère dues à l'utilisation de combustibles fossiles, l'émission dans l'environnement de mercure utilisé dans les appareils électriques, les effets subcliniques de l'empoisonnement mercuriel pour l'homme et enfin l'apparition retardée de l'empoisonnement mercuriel.

9.         En ce qui concerne la nécessité et la possibilité d'entreprendre une action de contrôle, certaines conclusions détaillées peuvent être tirées de la situation décrite :

a)     au Canada, au Japon, en Suède et aux Etats-Unis, la contamination de l'environnement par le mercure et les risques de le voir s'accumuler à travers la chaîne alimentaire, ont été confirmés dès que des analyses furent entreprises ;

b)    les sources d'émission et les priorités assignées à la lutte contre celles-ci varient fortement selon les pays ;

c)     des méthodes efficaces de contrôle des émissions de mercure dans l'environnement ont été élaborées dans tous les domaines où l'utilisation du mercure soulève des problèmes bien définis d'une réelle importance ;

d)    lorsqu'il est bien établi que de tels problèmes comportent des risques immédiats pour la santé, des contre-mesures ont été estimées obligatoires, sans tenir compte des coûts économiques à court terme ;

e)     en particulier, les mesures de contrôle suivantes ont donné de bons résultats :

i)     composés d'alkyl-mercure utilisés dans l'agriculture -- remplacement par d'autres composés1 ;

ii)     composés du mercure utilisés par l'industrie des pâtes et papiers -- remplacement par d'autres composés ou recours à d'autres procédés ne faisant pas appel à des algocides ;

iii)    mercure métal provenant d'installations où se fait l'électrolyse des chlorures alcalins dans des cellules au mercure -- réduction de la teneur en mercure des effluents industriels ;

iv)    catalyseurs inorganiques à base de mercure utilisés pour la fabrication de produits chimiques à partir de l'acétylène, réduction de la teneur en mercure des effluents industriels ou application d'autres procédés.

 



1      Au Japon, l'utilisation de composés d'alkyl-mercure a été, jusqu'ici, autorisée pour le traitement des graines de riz. Toutefois, le Gouvernement travaille à l'élaboration de directives administratives qui ont pour objectif d'arrêter la production de ces composés afin d'en éviter l'emploi.