LE CONSEIL,

VU l'article 5 b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques, en date du 14 décembre 1960 ;

VU la Recommandation du Conseil, en date du 26 mai 1972, sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international [C(72)128] ;

VU la Recommandation du Conseil, en date du 14 novembre 1974, sur la mise en œuvre du principe pollueur-payeur [C(74)223] ;

VU la Recommandation du Conseil, en date du 28 avril 1981, sur certains aspects financiers des actions des autorités publiques relatives à la prévention et à la lutte contre les marées noires [C(81)32(Final)] ;

VU la Déclaration de clôture de la conférence de l'OCDE sur les accidents liés aux substances dangereuses tenue à Paris les 9 et 10 février 1988 [C(88)83] ;

RAPPELANT que, selon cette Déclaration, « les exploitants d'installations dangereuses sont pleinement responsables de la sécurité de fonctionnement de leurs installations ainsi que de la mise en œuvre de toutes les mesures appropriées pour prévenir les accidents » et qu’ « il appartient aux exploitants d'installations dangereuses de prendre toutes les mesures raisonnables pour... prendre les mesures d'urgence en cas d'accident » ;

CONSIDÉRANT que de telles responsabilités ont des incidences sur l'imputation du coût des mesures raisonnables destinées à prévenir les accidents dans les installations dangereuses et à limiter leurs conséquences et que la conférence a conclu que « le principe pollueur-payeur devrait être appliqué dans toute la mesure du possible aux accidents liés aux substances dangereuses » ;

CONSIDÉRANT que les pouvoirs publics sont souvent obligés d'entreprendre des actions coûteuses en cas de pollution accidentelle due à des installations dangereuses et peuvent estimer nécessaire d'entreprendre des mesures coûteuses pour se préparer à affronter les accidents qui pourraient survenir dans certaines installations dangereuses ;

CONSIDÉRANT que le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'imputation du coût des mesures de prévention et de lutte contre la pollution accidentelle est de nature à atténuer les distorsions dans le commerce et les investissements internationaux ;

Sur la proposition du Comité de l'environnement ;

I.          RECOMMANDE que les pays Membres, lorsqu'ils appliquent le principe pollueur-payeur aux accidents liés aux substances dangereuses, prennent en compte les « Principes directeurs relatifs aux pollutions accidentelles » qui figurent à l'appendice qui fait partie intégrante de la présente Recommandation.

II.         CHARGE le Comité de l'environnement d'examiner les actions prises par les pays Membres pour donner suite à la présente Recommandation et de faire rapport au Conseil au plus tard trois ans après son adoption.


 

APPENDICE

 

PRINCIPES DIRECTEURS RELATIFS AUX POLLUTIONS ACCIDENTELLES

Objet et définitions

l.          Les principes directeurs décrits ci-dessous concernent certains aspects de l'application du principe pollueur-payeur aux installations dangereuses.

Aux fins de la présente Recommandation, on entend par :

a)     « Installation dangereuse », toute installation fixe qui est définie, selon le droit applicable, comme étant susceptible d'occasionner des dangers suffisants pour justifier que des précautions soient prises en dehors du site, à l'exclusion des installations nucléaires ou militaires et des décharges de déchets dangereux1 ;

b)    « Pollution accidentelle », la pollution importante causée en dehors du site par un accident survenant dans une installation dangereuse ;

c)     « Exploitant d'une installation dangereuse », la personne morale ou physique qui, selon le droit applicable, exerce le contrôle de l'installation et est chargée de sa bonne marche2.

Le principe pollueur-payeur

3.         Selon la Recommandation du Conseil, en date du 26 mai 1972, sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international [C(72)128] - « le principe à appliquer pour l'imputation des coûts des mesures de prévention et de lutte contre la pollution ... est le principe dit « pollueur-payeur ». La mise en œuvre de ce principe « favorise l'emploi rationnel des ressources limitées de l'environnement ». Selon la Recommandation du Conseil, en date du 14 novembre 1974, sur la mise en œuvre du principe pollueur-payeur [C(74)223] - « le principe pollueur-payeur ... signifie que le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux mesures de prévention et de lutte contre la pollution décidées par les autorités des pays Membres, pour faire en sorte que l'environnement soit dans un état acceptable. En d'autres termes, le coût de ces mesures devrait être répercuté dans le coût des biens et services qui sont à l'origine de la pollution du fait de leur production et/ou de leur consommation ». Aux termes de cette même Recommandation, le Conseil a recommandé « qu'en règle générale, les pays Membres n'aident pas les pollueurs à supporter des coûts de la lutte contre la pollution, que ce soit au moyen de subventions, avantages fiscaux ou autres mesures ».

Application du principe pollueur-payeur aux pollutions accidentelles

4.         En matière de risque de pollution accidentelle, le principe pollueur-payeur implique que l'exploitant d'une installation dangereuse devrait se voir imputer le coût des mesures raisonnables de prévention et de lutte contre la pollution accidentelle provenant de cette installation qui sont décidées avant la survenance d'un accident par les autorités des pays Membres en conformité avec le droit interne afin de protéger la santé de l'homme ou l'environnement.

5.         Est conforme au principe pollueur-payeur le droit interne qui prescrit que le coût des mesures raisonnables de lutte contre la pollution accidentelle après un accident soit remboursé aussi rapidement et simplement que possible par la personne morale ou physique à l'origine de l'accident.

6.         Dans la plupart des cas et indépendamment des questions relatives à l'origine de l'accident, l'exploitant se voit imputer, dans un premier temps, pour des raisons de commodité administrative ou pour d'autres raisons, le coût de telles mesures prises par les pouvoirs publics3. Toutefois si un tiers est responsable de l'accident, celui-ci rembourse l'exploitant du coût des mesures raisonnables de lutte contre la pollution accidentelle prises après un accident.

7.         Si la pollution accidentelle est causée exclusivement par un événement dont l'exploitant ne peut manifestement pas être considéré comme responsable en droit interne tel que, par exemple, une catastrophe naturelle grave que l'exploitant n'aurait pu raisonnablement prévoir, il est conforme au principe pollueur-payeur que les pouvoirs publics ne lui imputent pas le coût des mesures de lutte prises par eux.

8.         Les mesures de prévention et de lutte contre la pollution accidentelle sont les mesures prises pour prévenir les accidents dans des installations particulières et pour limiter leurs conséquences sur la santé de l'homme ou l'environnement. Il peut s'agir notamment des mesures destinées à améliorer la sécurité des installations dangereuses et la préparation aux situations d'urgence, à mettre au point des plans d'urgence, à intervenir rapidement après un accident pour protéger la santé de l'homme et l'environnement, à effectuer des opérations de nettoyage et à remédier sans retard excessif aux conséquences de la pollution accidentelle pour l'environnement. Elles n'incluent ni les mesures de caractère humanitaire ou les autres mesures ayant un caractère strict de service public et qui, selon la législation en vigueur, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement aux pouvoirs publics ni les mesures d'indemnisation des victimes pour les effets économiques de l'accident.

9.         Les pouvoirs publics des pays Membres qui sont « investis de responsabilités dans la mise en œuvre des politiques visant à la prévention des accidents liés aux substances dangereuses et à l'intervention »4 peuvent prendre des mesures particulières de prévention des accidents susceptibles de survenir dans des installations dangereuses et de lutte contre la pollution accidentelle. Si, d'une manière générale, les coûts correspondants sont financés par les budgets publics, les pouvoirs publics peuvent introduire, dans la perspective d'une allocation des coûts plus efficace au sens économique, des redevances ou des taxes spécifiques (par exemple les redevances lors des demandes d'autorisation) auxquelles certaines installations sont astreintes du fait de leur caractère dangereux et qui sont affectées à la prévention et à la lutte contre la pollution accidentelle.

10.        Une application particulière du principe pollueur-payeur consisterait à adapter, en conformité avec le droit interne, ces redevances et taxes de manière à couvrir plus complètement le coût de certaines mesures exceptionnelles de prévention et de lutte contre la pollution accidentelle dans des installations dangereuses qui sont prises par les pouvoirs publics pour protéger la santé de l'homme et l'environnement (par exemple, procédure spéciale d'autorisation, conduite d'inspections détaillées, préparation de plans d'urgence spécifiques à une installation, acquisition de moyens particuliers d'intervention des pouvoirs publics en rapport avec une installation dangereuse) pour autant que ces mesures soient raisonnables et directement liées à la prévention des accidents ou à la lutte contre la pollution accidentelle émise par une installation dangereuse. L'absence de dispositions législatives ou réglementaires concernant ces redevances ou taxes ne devrait cependant pas affecter l'exercice par les pouvoirs publics de leurs responsabilités en rapport avec les accidents liés aux substances dangereuses.

11.        Une autre application particulière du principe pollueur-payeur consisterait à imputer, en conformité avec le droit interne, à l'exploitant de l'installation dangereuse à l'origine d'une pollution accidentelle le coût des mesures raisonnables de lutte contre cette pollution décidées après un accident, par les pouvoirs publics. Ces mesures, prises sans retard excessif par l'exploitant ou, en cas de besoin, par les pouvoirs publics, sont principalement destinées à prévenir rapidement une extension des dommages à l'environnement et concernent la limitation des rejets de substances dangereuses (par exemple, arrêt des émissions à l'usine, pose de barrages sur une rivière) ou de la pollution elle-même (par exemple, nettoyage, décontamination) ou des effets écologiques (par exemple, restauration du milieu pollué).

12.        Le caractère raisonnable des mesures de prévention et de lutte dépend des circonstances dans lesquelles elles sont mises en œuvre, de la nature et de l'étendue de ces mesures, des menaces et dangers existant lors de la prise de décision, des lois et règlements en vigueur et des intérêts qui doivent être protégés. Une concertation préalable entre les exploitants et les pouvoirs publics devrait contribuer au choix de mesures qui soient raisonnables, économiquement efficaces et qui offrent une protection adéquate de la santé humaine et de l'environnement.

13.        Est conforme au principe pollueur-payeur la mise en commun par les exploitants d'installations dangereuses de certains risques financiers associés aux accidents, notamment dans le cadre de l'assurance ou de fonds spécifiques d'indemnisation ou de lutte contre la pollution.

Exceptions

14.        Des exceptions au principe pollueur-payeur pourraient être faites dans certaines circonstances spéciales telles que la nécessité de mettre en œuvre rapidement des mesures sévères de prévention des accidents, sous la réserve qu'il n'en résulte pas de distorsions importantes dans le commerce et les investissements internationaux. En particulier, il conviendrait que l'octroi aux exploitants de toute aide destinée à la prévention ou à la lutte contre la pollution accidentelle soit limité et respecte les conditions exposées précédemment5. Dans le cas d'installations dangereuses existantes, des paiements ou des mesures compensatoires liés à des changements dans les décisions de zonage dans le cadre du plan local d'occupation des sols pourraient être envisagés comme un moyen destiné à faciliter le transfert de ces installations en vue de diminuer les risques pour les populations exposées.

15.        De même, des exceptions aux principes directeurs ci-dessus pourraient être prévues en cas de pollution accidentelle si la mise en œuvre rigoureuse et rapide du principe pollueur-payeur peut avoir de graves conséquences socio-économiques.

16.        L'imputation à la personne à l'origine de l'accident ou, le cas échéant, à l'exploitant du coût des mesures raisonnables de lutte contre la pollution accidentelle prises par les pouvoirs publics ne porte pas atteinte à la possibilité, en conformité avec le droit interne, d'imputer à cette même personne d'autres coûts liés à l'intervention des pouvoirs publics (par exemple, fourniture d'eau potable) ou à la survenance de l'accident. D'autre part, les pouvoirs publics peuvent, le cas échéant, demander à la personne responsable de l'accident de les indemniser pour les coûts subis du fait de l'accident lorsque ces coûts n'ont pas déjà été payés aux pouvoirs publics.

 



1     Les installations dangereuses visées par cette Recommandation sont précisées dans le cadre du droit applicable du pays de l'installation (droit interne et, le cas échéant, droit communautaire). Rien n'empêche les pays d'introduire des dispositions de droit interne selon lesquelles les principes directeurs s'appliquent à des installations exclues en vertu du sous-paragraphe 2 a) de cet Appendice.

2     Le concept d'exploitant est précisé dans le droit applicable du pays de l'installation, qui peut tenir compte de critères tels que la propriété de certaines substances dangereuses ou la détention d'une autorisation ou d'un permis.

3     Dans les cas ou une personne autre que l'exploitant serait désignée dans le droit applicable du pays de l'installation comme étant objectivement responsable de l'accident, le coût des mesures raisonnables de lutte prises par les pouvoirs publics serait imputé à cette personne et non à l'exploitant. Lorsque le droit interne prévoit un régime de responsabilité objective, ce régime serait appliqué à l'égard du remboursement des coûts des mesures de lutte prises après un accident.

4     Déclaration de clôture de la conférence OCDE sur les accidents liés aux substances dangereuses, C(88)83.

5     Recommandation du Conseil, en date du 14 novembre 1974, sur la mise en œuvre du principe pollueur-payeur [C(74)223].