Le conseil,

Vu l'article 5 b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques du 14 décembre 1960 ;

Vu la Recommandation du Conseil sur une politique globale de l’emploi et de la main-d’œuvre [C(76)37] ;

VU le Plan d’action de l'OCDE visant à aider les jeunes à prendre un meilleur départ [C/MIN(2013)4/FINAL, Annexe I];

VU les importants travaux menés par les Nations unies, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sur les droits et les opportunités des personnes souffrant de handicaps et de maladies mentales ;

Reconnaissant les importants travaux menés par l’Organisation mondiale de la santé, particulièrement sur le besoin en services de santé et d’action sociale intégrés au niveau local, aussi bien pour la population générale que pour les enfants en particulier, et à cette fin le « Plan d’action pour la santé mentale 2013-2020 » de l’Organisation mondiale de la santé adopté par l’Assemblée mondiale de la Santé le 27 mai 2013 ;

Se félicitant des analyses et des conclusions parues dans trois rapports de l'OCDE publiés récemment, à savoir « Mal-être au travail ? » (2012), « Making Mental Health Count » (2014) et « Santé mentale et insertion professionnelle » (2015) ;

VU le forum politique à haut niveau tenu à La Haye (Pays-Bas) le 4 mars 2015, au cours duquel les ministres et représentants gouvernementaux de 30 Membres de l'OCDE ont conclu qu’il est temps et urgent de s’attaquer d’une manière plus cohérente et intégrée aux questions relatives à la santé mentale, aux compétences et à l’emploi, et de faciliter l’apprentissage mutuel entre pays ;

Considérant qu’il faut, pour améliorer les perspectives et les résultats des personnes souffrant de troubles mentaux en matière d’éducation, de santé et d’emploi, des mesures concertées dans divers domaines de l’action publique – notamment les politiques sociales, de la santé, de la jeunesse et du marché du travail – portant un changement sur trois dimensions, à savoir le calendrier et les modalités de l’intervention publique ainsi que les acteurs nécessaires au changement de politiques ;

Reconnaissant l’importance de la prévention pour réduire l’incidence des maladies mentales et garantir la résilience mentale et la sensibilisation précoce au moyen de mesures ciblées sur les handicaps familiaux, les facteurs de risques sociaux, la violence domestique et la transmission intergénérationnelle des troubles mentaux et pour aider les familles à faire face aux maladies mentales, autant d’aspects qui débordent du champ d’application de la présente Recommandation ;

RECONNAISSANT que les maladies mentales ne sont pas également réparties entre les hommes et les femmes et que les réponses en termes d’action publique devront partant prendre en compte les spécificités liées à chaque sexe ;

Reconnaissant que, de la même façon que pour les besoins des individus en matière de santé physique, les personnes atteintes de troubles mentaux ont besoin de traitements médicaux et thérapeutiques adaptés en temps utile pour minimiser l’impact de la maladie sur leur bien-être et empêcher une nouvelle détérioration de leur santé mentale, et que le travail peut contribuer à leur rétablissement et réduire la durée des traitements ;

Reconnaissant que l’enfance et l’adolescence constituent des périodes clés pour favoriser le bien-être et une bonne santé mentale et remédier aux problèmes suscités par les maladies mentales, notamment une moindre réussite scolaire et une plus grande difficulté à accéder à un niveau d’enseignement de plus en plus élevé et au marché du travail ;

Reconnaissant l’importance de la qualité de l’emploi pour le bien-être et la santé mentale des travailleurs ;

Reconnaissant que tous les volets du système de soutien au revenu devraient être en mesure de fournir l’aide dont les personnes souffrant de troubles mentaux ont besoin étant donné que ces troubles sont particulièrement fréquents non seulement chez les personnes qui perçoivent des allocations de maladie ou des pensions d’invalidité mais aussi chez celles qui sont au chômage ou qui perçoivent l’aide sociale ;

Reconnaissant la nécessité d’améliorer l’accès aux traitements, à l’aide sociale et à l’accompagnement vers l’emploi, ainsi que leur utilisation, pour les personnes souffrant de troubles mentaux légers à modérés, principalement des maladies causées par le stress et des troubles de l’humeur et d’anxiété, soit la plus grande part des personnes souffrant de troubles mentaux ;

Reconnaissant les avantages économiques et sociaux considérables qui pourraient être obtenus, à tous les échelons de l’administration, par une approche coordonnée et intégrée des politiques publiques relatives à la santé mentale, couvrant les jeunes et les personnes d’âge actif et reliant les services de l’emploi, de la protection sociale, de la santé ainsi que l’éducation ;

Sur proposition du Comité de l'emploi, du travail et des affaires sociales et du Comité de la santé en consultation avec le Comité des politiques d'éducation :

CONVIENT que, aux fins de la présente Recommandation, la santé mentale – conformément à la définition largement acceptée de l’Organisation mondiale de la santé – décrit un état de bien‑être dans lequel l’individu met en œuvre ses aptitudes et est capable de faire face au stress de la vie quotidienne, de travailler de manière productive et utile et d’apporter une contribution à sa communauté ;

I.            RECOMMANDE que les Membres et non-Membres ayant adhéré à la présente Recommandation (ci-après les « Adhérents ») s'attachent à améliorer leurs systèmes de soins pour la santé mentale afin de promouvoir le bien-être mental, de prévenir les troubles mentaux et d’offrir en temps opportun des services appropriés qui reconnaissent les bienfaits d’un travail valorisant pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Pour ce faire, les Adhérents devraient, le cas échéant :

a)     favoriser le bien-être mental et renforcer la sensibilisation aux troubles mentaux et la prise de conscience individuelles de ses propres troubles en encourageant les activités propices à une bonne santé mentale ainsi que le recours à une aide extérieure en cas d’apparition d’un trouble mental, et en élaborant des stratégies efficaces pour lutter contre la stigmatisation en concertation avec un ensemble de parties prenantes gouvernementales et non gouvernementales ;

b)    favoriser l’accès à un traitement efficace des troubles mentaux en temps utile, notamment les troubles mentaux légers à modérés, au niveau des soins tant dans les centres de santé mentale locaux que dans les soins primaires ainsi que par la création de centres de soins pour faciliter l’orientation vers des services spécialisés dans la santé mentale, tout en garantissant l’implication des personnes souffrant de troubles mentaux dans le choix des soins et du traitement à suivre ;

c)     renforcer le volet emploi du système de soins pour la santé mentale, en particulier en menant des activités de sensibilisation visant à mettre en lumière l’importance d’un travail de qualité pour le rétablissement, en introduisant des résultats relatifs à l'emploi dans les cadres de qualité et de performance du système de santé, et en favorisant une meilleure coordination avec les services de retour à l'emploi publics et privés ;

d)    enrichir les compétences des personnes travaillant dans le secteur des soins primaires, notamment les médecins généralistes, les médecins de famille et les médecins du travail, en matière d’identification et de prise en charge des troubles mentaux, grâce à une meilleure formation aux problèmes de santé mentale dispensée aux professionnels de santé, l'intégration de spécialistes de la santé mentale dans les structures de soins primaires et des pratiques claires d’orientation vers les spécialistes et de consultation de ces derniers ;

e)     inciter les médecins généralistes et autres spécialistes de la santé mentale à s’attaquer aux questions d'absentéisme en matière de travail (ou d’école) et de maladie, notamment en utilisant des lignes directrices sur la prise en charge fondées sur des données probantes et qui favorisent le retour au travail (ou à l'école) lorsque c'est possible, et en veillant à ce que les professionnels de santé disposent des ressources nécessaires pour accorder suffisamment de temps aux questions liées au travail.

II.           RECOMMANDE que les Adhérents s’efforcent d’améliorer les résultats éducatifs et la transition vers un niveau d’enseignement de plus en plus élevé et vers le marché du travail des jeunes souffrant de troubles mentaux. Pour ce faire, les Adhérents devraient, le cas échéant :

a)     surveiller et améliorer le climat général à l’école et en crèche afin de promouvoir l’apprentissage socio-émotionnel, la santé mentale et le bien-être de tous les enfants et élèves au moyen d’interventions à l’échelle de l’ensemble de l’établissement et de la prévention du stress, des brimades et des agressions à l’école, en utilisant des indicateurs adéquats et complets de la santé à l’école et des résultats des élèves ;

b)    sensibiliser les professionnels de l’éducation et les familles des élèves aux troubles mentaux dont peuvent souffrir les jeunes et améliorer leur capacité à identifier les signes, symptômes et problèmes et à orienter les élèves vers les examens et interventions adaptés à leurs besoins, tout en garantissant à tous les établissements éducatifs une offre suffisante de professionnels rompus aux adaptations et aménagements psychologiques et comportementaux requis dans l’environnement pédagogique ;

c)     promouvoir un accès rapide à un soutien coordonné et non stigmatisant pour les enfants et les jeunes souffrant de troubles mentaux ou de problèmes socio-émotionnels en renforçant les liens entre les services de santé primaires et ceux spécialisés dans la santé mentale, et en réduisant les délais d’attente dans le secteur des soins pour la santé mentale et en proposant une structure de soutien facilement accessible et liée aux crèches et écoles, aux établissements supérieurs et aux autres services d’action locale et dédiés aux jeunes, qui dispense une aide complète englobant traitement, conseil, orientation et soutien par des pairs ;

d)    investir dans la prévention de l’abandon scolaire à tous les âges et dans le soutien aux jeunes sortis du système scolaire souffrant de troubles mentaux par le suivi adéquat de ceux qui ont abandonné leurs études ou risquent de le faire, en tenant dûment compte du respect de la vie privée et en vue de reconstruire leurs liens avec le système éducatif et le marché du travail ;

e)     fournir un soutien non stigmatisant au passage de l’école aux études supérieures et au travail pour les élèves souffrant de troubles mentaux (ou pour le retour à l’école de ceux qui ont abandonné leurs études) en améliorant la collaboration et les approches intégrées des établissements scolaires, établissements supérieurs, employeurs, services de retour à l’emploi et du secteur des soins pour la santé mentale.

III.          RECOMMANDE que les Adhérents, en concertation et coopération étroites avec les partenaires sociaux, s'attachent à élaborer et mettre en œuvre des mesures en faveur de la promotion de la santé mentale au travail et du retour au travail. Pour ce faire, les Adhérents devraient, le cas échéant :

a)     encourager et mettre en œuvre l'évaluation et la prévention des risques psychosociaux au travail conformément aux lois applicables en matière de respect de la vie privée et de la lutte contre la discrimination, avec le soutien adapté des services de médecine du travail, pour garantir que toutes les entreprises remplissent leurs obligations légales ;

b)    élaborer une stratégie pour s’attaquer à la stigmatisation, à la discrimination et aux contrevérités auxquelles font face de nombreux travailleurs souffrant de troubles mentaux sur leur lieu de travail, en mettant l’accent sur un encadrement de qualité, l’amélioration des compétences des cadres dirigeants et des représentants des travailleurs en matière de gestion des questions de santé mentale, la formation du travailleur par ses pairs et la promotion active de la santé et de la sécurité psychologique au travail ;

c)     renforcer la sensibilisation aux pertes potentielles de productivité du travail causées par les troubles mentaux en élaborant des lignes directrices à l'intention des responsables opérationnels, des professionnels des ressources humaines et des représentants des travailleurs pour stimuler une meilleure réponse aux troubles mentaux des travailleurs, expliquant comment les aider au mieux, notamment par la reconnaissance et l’intervention par les collaborateurs en tant que de besoin, et offrant des conseils sur le bon moment pour rechercher l'appui d'un professionnel, en tenant dûment compte du respect de la vie privée ;

d)    promouvoir la conception de politiques et de processus structurés de retour au travail pour les travailleurs en congé de maladie et leurs employeurs (potentiels ou actuels), notamment en favorisant un retour flexible et progressif au travail en fonction de l’amélioration de l’aptitude au travail, avec les nécessaires aménagements et adaptations du lieu de travail et de l’emploi, et en utilisant ou en expérimentant des services de conseil sur l'aptitude au travail qui tiennent pleinement compte de la santé mentale ;

e)     inciter les employeurs à prévenir et à traiter l’utilisation abusive des congés de maladie en facilitant le dialogue entre les employeurs, les salariés et leurs représentants et les médecins traitants ainsi qu’avec d’autres professionnels de la santé mentale sur l'incidence d'une maladie sur l'aptitude au travail et les bienfaits associés à l’aménagement des conditions de travail, en tenant dûment compte du secret médical.

IV.          RECOMMANDE que les Adhérents s’efforcent d’améliorer la réactivité des systèmes de protection sociale et des services de l'emploi face aux besoins des personnes souffrant de troubles mentaux. Pour ce faire, les Adhérents devraient, le cas échéant :

a)     réduire le nombre de demandes évitables de prestations d'invalidité pour troubles mentaux grâce à une meilleure prise en compte de l'aptitude au travail (qui peut être diminuée ou partielle) des demandeurs potentiels, en utilisant des outils et des méthodes appropriés pour évaluer l’aptitude au travail, et grâce à une attention particulière portée à l'identification et la fourniture précoces d'un soutien médical et/ou professionnel en tant que de besoin ;

b)    aider les demandeurs d'emploi souffrant de troubles mentaux à reprendre une activité grâce à des outils d’ouverture adéquats afin de définir un processus de soutien adapté qui facilite l'accès aux services de retour à l'emploi et à la formation ainsi qu'à des services s’occupant des obstacles à l’emploi découlant des troubles mentaux du demandeur d’emploi ;

c)     investir dans les compétences en santé mentale des agents du système de protection sociale en instaurant des formations à l'intention des agents, des travailleurs sociaux et des conseillers d’orientation professionnelle, afin qu'ils comprennent mieux les questions de santé mentale et les effets bénéfiques du travail pour la santé, et en garantissant une coopération adéquate des services de prestations sociales, des bureaux d'aide sociale et des agences pour l’emploi  avec des conseillers en psychologie ;

d)    favoriser l’intégration de la prise en charge des troubles mentaux dans l’offre des services de retour à l'emploi en stimulant la coopération entre les services de retour à l'emploi et le secteur de la santé, particulièrement les professionnels de la santé mentale en soins primaires et dans les centres locaux, et en encourageant le développement d’actions de formation professionnelle fondées sur des données probantes et ciblant les demandeurs d’emploi atteints de troubles mentaux légers à modérés, qui combinent l’aide psychologique et le suivi avant et après le placement ou les programmes d’insertion professionnelle.

V.           INVITE le Secrétaire général à diffuser la présente Recommandation.

VI.          INVITE les Adhérents à diffuser la présente Recommandation.

VII.         INVITE les non-Adhérents à prendre en compte la présente Recommandation et à y adhérer.

VIII.        CHARGE le Comité de l’emploi, du travail et des affaires sociales et le Comité de la santé de :

a)     servir régulièrement, ou à la demande des Adhérents, de forum pour l’échange de points de vue et le partage d’expériences et de bonnes pratiques structurés sur les questions liées à la Recommandation ;

b)    soutenir les efforts des Adhérents pour mettre en œuvre la présente Recommandation selon leurs demandes, notamment en leur fournissant des données comparatives, des études analytiques et des indicateurs de l’impact mesurable de l’action publique ;

c)     suivre les progrès et le développement de l’action publique, notamment par l’utilisation d’indicateurs adéquats, dans le suivi de la présente Recommandation et d’en faire rapport au Conseil dans un délai maximum de cinq ans suivant son adoption, puis à intervalles réguliers.