VU l'article 5 b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques en date du 14 décembre 1960 ;

NOTANT le développement des institutions budgétaires indépendantes au sein des pays Membres et la diversité des institutions existantes ;

ÉTANT CONVENU qu’aux fins de la présente Recommandation, les institutions budgétaires indépendantes sont des organes indépendants financés sur fonds publics placés sous l’autorité du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif qui contrôlent et analysent de manière non partisane les politiques et performances budgétaires et, dans certains cas, formulent des conseils sur ces domaines, et qu’elles jouent un rôle prospectif en matière de diagnostic ex ante ;

RECONNAISSANT que les institutions budgétaires indépendantes ont le potentiel de renforcer la discipline budgétaire, de promouvoir une plus grande transparence et une plus grande responsabilité budgétaires et d’élever la qualité du débat public sur la politique budgétaire, tout en reconnaissant que d’autres dispositifs institutionnels peuvent tout aussi bien convenir dans certains pays ;

RECONNAISSANT que la transparence budgétaire est un élément clé de la bonne gouvernance et que l’OCDE a joué un rôle moteur au sein de la communauté internationale pour promouvoir la transparence en matière budgétaire avec le texte intitulé Transparence budgétaire -- Les meilleures pratiques de l'OCDE (OCDE, 2002) ;

Sur la proposition du Comité de la gouvernance publique :

I.            RECOMMANDE que les Membres qui ont choisi d’établir ou envisagent d’établir une institution budgétaire indépendante tiennent compte des Principes relatifs aux institutions budgétaires indépendantes (ci-après dénommés « les Principes ») tels que figurant en Annexe à la présente Recommandation, dont elle fait partie intégrante.

II.           INVITE les Membres et le Secrétaire général à diffuser la présente Recommandation.

III.          INVITE les non-Membres qui ont choisi d’établir ou qui envisagent d’établir une institution budgétaire indépendante à tenir compte de la présente Recommandation et à y adhérer.

IV.          INVITE les organisations internationales concernées à tenir compte de la présente Recommandation et à collaborer avec l’OCDE par l’échange de bonnes pratiques et de données sur les institutions budgétaires indépendantes.

V.           CHARGE le Comité de la gouvernance publique d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la présente Recommandation et de faire rapport au Conseil dans les trois ans suivant son adoption et régulièrement par la suite.


 

ANNEXE

 

PRINCIPES RELATIFS AUX INSTITUTIONS BUDGÉTAIRES INDÉPENDANTES (IBI)

Les vingt-deux Principes pour des institutions budgétaires indépendantes (conseils budgétaires et bureaux parlementaires indépendants du budget) proposés ci-après sont regroupés en neuf grandes rubriques : (1) appropriation locale ; (2) indépendance et neutralité politique ; (3) mandat ; (4) ressources ; (5) liens avec le pouvoir législatif ; (6) accès à l’information ; (7) transparence ; (8) communication ; (9) évaluation externe.

1.            Appropriation locale

1.1.         L’appropriation, l’engagement et le consensus à l’échelle nationale, toutes tendances politiques confondues, sont essentiels à l’efficacité et à la pérennité de toute IBI. Un pays souhaitant établir une IBI tirera certainement profit de l’étude de modèles existants et de l’expérience d’autres pays, mais il ne devrait pas reproduire ou imposer artificiellement des modèles importés d’autres pays. Les autorités régionales ou internationales peuvent assurer une protection et un soutien précieux.

1.2.         Le rôle et la structure d’une IBI devraient être définis à partir de l’environnement institutionnel et des besoins locaux. La structure de l’IBI devrait aussi choisie en tenant compte des contraintes de capacité, notamment dans les petits pays1. Les caractéristiques fondamentales d’une IBI, dont les protections offertes, devraient être compatibles avec le cadre juridique, le régime politique et la culture du pays. Ses fonctions devraient être déterminées en fonction du cadre budgétaire du pays et des problèmes spécifiques à résoudre.

2.            Indépendance et neutralité politique

2.1.         La neutralité politique2 et l’indépendance sont des prérequis pour qu’une IBI soit performante. Une entité réellement non partisane n’inscrit pas ses analyses dans une perspective politique ; elle s’efforce toujours de faire preuve d’objectivité et de professionnalisme, et travaille pour tous les partis. Il est donc souhaitable que l’IBI n’exerce aucune responsabilité quant à l’élaboration des politiques normatives afin d’éviter d’être perçue comme partisane.

2.2.         Les dirigeants de l’IBI3 devraient être choisis en fonction de leur mérite et de leur compétence technique, indépendamment de toute appartenance politique. Les qualifications devraient être définies explicitement – notamment en ce qui concerne le profil professionnel et l’expérience acquise au sein de la fonction publique ou dans le monde universitaire. Les qualifications devraient porter sur des compétences avérées en économie et en finances publiques, ainsi que sur la connaissance du processus budgétaire.

2.3.         La durée et le nombre de mandats confiés aux dirigeants de l’IBI devraient être précisés dans la loi, de même que les critères et la procédure de révocation motivée. Les mandats des dirigeants devraient dans l’idéal être indépendants des échéances électorales. Définir une durée de mandat en décalage par rapport aux scrutins prévus peut également contribuer à l’indépendance.

2.4.         Le poste de responsable de l’IBI devrait être rémunéré et de préférence occupé à temps plein4. Des normes rigoureuses en matière de conflit d’intérêts au regard d’autres emplois dans la fonction publique ou le secteur privé, particulièrement au sein d’institutions dont les membres du conseil sont employés à temps partiel, devraient également s’appliquer à chacun.

2.5.         Les dirigeants de l’IBI devraient avoir toute liberté pour recruter et révoquer des employés, conformément au droit du travail en vigueur.

2.6.         Les employés devraient être sélectionnés à l’issue d’un concours ouvert fondé sur le mérite et la compétence technique, indépendamment de toute appartenance politique. Les conditions d’emploi devraient être inspirées de celles de la fonction publique (ou du service parlementaire)5.

3.            Mandat

3.1.         Le mandat de l’IBI, y compris la description générale des types de rapports et d’analyses qu’elle est appelée à produire, le nom des parties habilitées à demander ces rapports et analyses et, le cas échéant, les délais de publication à respecter, devrait être clairement défini dans les normes de droit supérieur.

3.2.         L’IBI devrait avoir la possibilité de produire, de sa propre initiative, des rapports et des analyses, sous réserve que ceux-ci entrent dans le champ de son mandat. De même, elle devrait disposer de l’autonomie nécessaire pour établir son propre programme de travail dans les limites de son mandat.

3.3.         L’articulation de ses missions avec le processus budgétaire devrait être clairement définie dans le mandat. Les missions classiques de l’IBI pourraient notamment (sans que cette liste soit limitative) recouvrir : l’élaboration de prévisions économiques et budgétaires (prévisions à court et moyen terme, ou scénarios à long terme) ; l’établissement de scénarios de référence (fondés sur l’hypothèse que les politiques suivies ne changent pas) ; des analyses des propositions budgétaires émanant de l’exécutif ; la surveillance du respect des règles budgétaires ou des objectifs officiels ; le chiffrage des coûts de propositions de loi importantes ; des études analytiques sur des thèmes choisis6.

4.            Ressources

4.1.         Les ressources allouées à l’IBI devraient être à la mesure de son mandat, de sorte qu’elle puisse l’exécuter avec toute la crédibilité voulue, et devraient servir à financer la rémunération de l’ensemble des effectifs et, le cas échéant, des membres du conseil. Les crédits accordés à l’IBI devraient donner lieu à publication et être traités de la même façon que les budgets d’autres organismes indépendants, notamment les organismes de contrôle des comptes publics, et ce, afin de garantir son indépendance. Accorder des financements pluriannuels à l’IBI permettrait d’affirmer encore son indépendance et de lui offrir une protection supplémentaire contre les pressions politiques.

5.            Lien avec le pouvoir législatif

5.1.         La fonction de contrôle du parlement est essentielle dans le processus budgétaire du pays, et le calendrier budgétaire devrait prévoir des délais suffisants pour que l'IBI puisse conduire les analyses nécessaires au travail parlementaire. Que l’IBI relève du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, il conviendrait de prévoir des mécanismes pour encourager la redevabilité devant le parlement dans des conditions adéquates, ce qui suppose notamment (sans que cette liste soit limitative) : (1) la soumission au parlement de tous les rapports de l’IBI à temps pour qu’ils servent à éclairer le débat parlementaire sur les sujets concernés ; (2) l’invitation des dirigeants ou cadres supérieurs de l’IBI à se présenter devant la commission du budget (ou l’équivalent) pour répondre aux questions des parlementaires ; (3) l’exercice du contrôle parlementaire sur le budget de l’IBI; (4) la participation de la commission parlementaire du budget (ou l’équivalent) aux décisions concernant la nomination et la révocation des dirigeants de l’IBI.

5.2.         Il conviendrait de définir clairement, dans la législation, le rôle de l’IBI vis-à-vis de la commission parlementaire du budget (ou de son équivalent), d’autres commissions, et de parlementaires à titre individuel, en ce qui concerne les demandes d’analyse. L’IBI devrait de préférence prendre en compte les demandes des commissions et sous-commissions plutôt que celles présentées, à titre individuel, par des parlementaires ou des partis politiques, ce principe valant en particulier pour les IBI qui relèvent du pouvoir législatif.

6.            Accès à l’information

6.1.         Il existe souvent une asymétrie d’information entre le gouvernement et l’IBI, indépendamment du montant des ressources mises à la disposition de cette dernière. D’où la nécessité de prévoir dans la loi une obligation spéciale – et au besoin, de la réaffirmer dans des protocoles ou mémorandums d’accord – garantissant que l’IBI a accès, en temps opportun, à toutes les informations utiles, y compris à celles relatives à la méthodologie et aux hypothèses sous-tendant le budget et autres propositions budgétaires. Ces informations devraient être fournies gratuitement et, dans l’hypothèse où ce ne serait pas le cas, il conviendrait d’abonder le budget de l’IBI de façon à couvrir le coût des analyses qu’elle devrait se procurer auprès des services actuariels de l’administration.

6.2.         Toute restriction à l’accès aux informations gouvernementales devrait en outre être clairement définie par la loi. Il est possible de prévoir des mesures de sauvegarde7, ayant trait à la protection de la vie privée (confidentialité des informations sur les contribuables) et aux informations sensibles dans les domaines de la défense et de la sécurité nationales.

7.            Transparence

7.1.         Sachant que la promotion de la transparence des finances publiques est un objectif central de l’IBI, l’obligation de faire preuve de la plus grande transparence possible lui incombe tout particulièrement. La transparence totale de ses travaux et activités est la meilleure garantie de son indépendance et le moyen d’asseoir sa crédibilité aux yeux de l’opinion publique.

7.2.         Les rapports et analyses de l’IBI (y compris le détail de la méthodologie et des données sur lesquelles ils sont fondés) devraient être rendus publics et accessibles à tous gratuitement. Comme indiqué au point 5.1, tous les rapports et analyses devraient être soumis au parlement à temps pour qu’ils servent à éclairer le débat parlementaire sur les sujets concernés8, et les dirigeants de l’IBI devraient avoir la possibilité de s’exprimer devant les commissions parlementaires.

7.3.         Les dates de publication des principaux rapports et analyses devraient être fixées officiellement, en particulier pour qu’il soit possible de veiller à la coordination avec la parution des analyses et rapports gouvernementaux9.

7.4.         L’IBI devrait publier sous son propre timbre ses rapports et analyses consacrés à des sujets en rapport avec son principal mandat en cours d’exécution concernant des thèmes économiques et budgétaires.

8.            Communication

8.1.         Dès sa création, l’IBI devrait déployer des circuits de communication efficaces, notamment avec les médias, la société civile et autres parties prenantes. Compte tenu du fait que son influence sur la formulation de la politique budgétaire repose sur la persuasion (et n’a aucun caractère coercitif puisqu’elle ne dispose pas de moyens de sanction légaux ou autres mesures de rétorsion), la couverture médiatique de ses travaux est un moyen de contribuer à l’information des corps constitués qui peuvent, à leur tour, faire pression sur le gouvernement pour qu’il observe les principes de transparence et de responsabilité dans le domaine budgétaire.

9.            Évaluation externe

9.1.         L’IBI devrait se doter d’un mécanisme d’évaluation externe de ses travaux. Cette évaluation, confiée à des experts locaux ou internationaux, pourrait prendre différentes formes : examen de certaines réalisations ; évaluation annuelle de la qualité des analyses ; constitution d’un conseil ou comité consultatif permanent ; examen par des pairs conduit par une IBI d’un autre pays.

 



1    Plusieurs pays (dont l’Irlande et le Portugal et la Suède) autorisent les étrangers à siéger aux conseils, ce qui augmente le vivier de candidats compétents et réduit les risques de « pensée unique ». Une configuration de ce type peut également favoriser l’indépendance.

2    « Non partisan » (être exempt de toute influence politique) ne doit pas être confondu avec « bipartisan » (l’équilibre entre les partis politiques).

3    Le titre peut varier : directeur ou président, selon la structure de l’institution. L’institution peut être dirigée par une personne ou un organe collégial (conseil).

4    Exceptionnellement, on peut considérer qu’un poste à temps partiel suffit, par exemple si l’IBI a un programme de travail restreint et bien délimité, ou si une autre institution assure des fonctions complémentaires ayant une incidence sur la charge de travail de l’IFI. En Suède, le Conseil de politique budgétaire peut utiliser les prévisions macro-budgétaires établies par un autre organisme indépendant bien connu, l’Institut national d’études économiques.

5    La majorité des IBI étant de petites structures, leur personnel peut se voir offrir des possibilités d’évolution de carrière au sein de la fonction publique de manière générale. La prudence est toutefois de mise pour éviter les conflits d’intérêts.

6    D’autres fonctions sont exécutées par des IBI établies, comme le chiffrage des coûts des programmes électoraux par le Bureau d’analyse de la politique économique aux Pays-Bas, ou l’évaluation des programmes par le Bureau du budget de l’Assemblée nationale en Corée.

7    Enquête de sécurité sur les membres du personnel de l’IBI par exemple.

8    Dans certains cas, une IBI peut fournir des estimations confidentielles dans le cadre de la procédure législative. Le Congressional Budget Office des États-Unis par exemple produit des estimations au début de la procédure legislative – tenues confidentielles jusqu’à ce que la proposition de loi soit rendue publique – de façon à faciliter l’élaboration des propositions de loi.

9    Il convient d’éviter de donner l’impression que la date de publication des rapports de l’IBI favorise le gouvernement ou les partis de l’opposition.