LE CONSEIL,

VU l'article 5 b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques, en date du 14 décembre 1960 ;

VU la Déclaration d’Helsinki de 2008 sur les principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains, et la ligne directrice E6 de la Conférence Internationale sur l’Harmonisation sur les bonnes pratiques cliniques ;

RECONNAISSANT que les essais cliniques jouent un rôle essentiel dans la mise au point et l’évaluation de traitements nouveaux et efficaces des maladies humaines, et ont par conséquent un effet important sur la santé publique ;

RECONNAISSANT que le bien-être et la sécurité des patients et des volontaires sains participant aux essais cliniques doivent être dûment assurés et leurs droits respectés, en accord avec les règles éthiques internationalement reconnues ;

RECONNAISSANT que la fiabilité des données scientifiques produites par les essais cliniques doit être garantie, afin que les pratiques médicales soient fondées sur les faits ;

RECONNAISSANT que de nombreux essais cliniques sont motivés par des besoins urgents de santé publique, en particulier dans le cas de pathologies affectant un nombre restreint de patients à l’échelle mondiale ou pour lesquelles les traitements ne sont pas commercialement viables, ou lorsqu’il s’agit d’améliorer les procédures et prescriptions existantes, et impliquent de plus en plus une collaboration internationale multicentrique ;

RECONNAISSANT que les différences au niveau des réglementations nationales et régionales et de leur interprétation ont donné lieu à des procédures administratives très complexes, notamment en ce qui concerne les essais cliniques multinationaux ;

RECONNAISSANT que les réglementations nationales qui adoptent des approches uniformes quel que soit le risque encouru et l’objectif de l’essai peuvent entraver le développement des essais cliniques, en particulier ceux dont les promoteurs sont des organismes sans but lucratif comme les universités, les hôpitaux et les associations caritatives ;

RECONNAISSANT que, dans le cas d’essais cliniques multinationaux, des procédures administratives plus cohérentes et plus simples apporteraient de grands avantages en termes de santé publique ;

Sur proposition du Comité de la politique scientifique et technologique ;

I.            RECOMMANDE que les Membres adaptent leurs réglementations et leurs procédures nationales pour y intégrer une méthodologie fondée sur les risques applicable à la surveillance et à la gestion des essais cliniques, en tenant compte des principes exposés en Annexe à la présente Recommandation, dont ils font partie intégrante ;

II.           INVITE les non-Membres à adhérer à la présente Recommandation ;

III.          CHARGE le Comité de la politique scientifique et technologique d’évaluer  la mise en œuvre de la présente Recommandation, de la réexaminer en tenant compte de son impact sur la qualité des essais cliniques et sur la sécurité des participants aux essais cliniques, et de faire rapport au Conseil dans les quatre ans suivant son adoption, et en tant que de besoin par la suite.


 

ANNEXE

 

I.            OBJECTIFS ET PORTÉE

La présente Recommandation est destinée à faciliter la coopération internationale dans le domaine des essais cliniques de médicaments, en particulier pour les essais réalisés à l’initiative d’institutions académiques.

Elle vise principalement à améliorer la cohérence entre les réglementations nationales et leurs interprétations, et à rationaliser les procédures de contrôle et de gestion des essais cliniques, en introduisant une approche réglementaire proportionnée tout en renforçant la protection des participants aux essais cliniques.

Bien que la présente Recommandation soit principalement motivée par la nécessité de faciliter la coopération entre les équipes académiques pour les essais cliniques entrepris à des fins non lucratives, les Membres peuvent souhaiter élargir la mise en œuvre de cette Recommandation au contrôle et à la gestion de tous les essais cliniques, adoptant ainsi les principes analogues énumérés ci-dessous quel que soit l’objectif de l’essai.

II.           PRINCIPES

Les Membres devraient mettre en œuvre, pour les essais cliniques, une méthodologie de contrôle et de gestion fondée sur les risques qui réponde aux principes d’évaluation des risques énoncés ci-après. Ces principes combinent (A) une approche stratifiée qui est fondée généralement sur le statut d’autorisation de mise sur le marché des médicaments et qui peut être appliquée à des fins législatives et réglementaires de façon homogène dans les différents pays, avec (B) une approche spécifique à l’essai clinique, qui prend en compte de nombreux autres facteurs comme des procédures de diagnostic supplémentaires, les populations concernées par l’essai clinique, ou le consentement éclairé des patients.

A.           Approche stratifiée

A.1.        Catégories de risque

Les Membres devraient inscrire dans leur cadre législatif ou réglementaire une définition des catégories de risque liées aux essais cliniques, en utilisant les trois catégories suivantes qui s’appuient sur le statut des médicaments au regard de leur autorisation de mise sur le marché pour déterminer le niveau et l’incertitude du risque :

La catégorie A concerne les essais cliniques portant sur  des médicaments autorisés (en vertu de la réglementation nationale ou régionale) testés dans les conditions prévues par leur autorisation de mise sur le marché.

La catégorie B concerne les essais cliniques portant sur des médicaments autorisés testés dans des schémas de traitement non prévus par leur autorisation de mise sur le marché (en termes de population, d’indication, d’administration, de posologie) :

1.     qui sont étayés par des données publiées, des recommandations d’usage ou par les pratiques médicales établies ;

2.     qui ne sont pas étayés par des données ou des recommandations d’usage publiées, ou par les pratiques médicales établies.

La catégorie C concerne les essais cliniques portant sur des médicaments dépourvus d’autorisation de mise sur le marché.

Lorsqu’ils classent un essai clinique dans une des catégories ou sous-catégories ci-dessus, les Membres devraient aussi tenir compte de certains facteurs de modulation liés aux produits, qui peuvent influer sur l’attribution du niveau de risque, et aboutir à une réévaluation positive ou négative du risque. Ces facteurs sont les suivants :

       nouveauté du médicament et/ou de sa classe (y compris nouvelle formulation d’une substance commercialisée) ;

       nature innovante du traitement (par exemple thérapies/produits biologiques innovants) ;

       autorisation de mise sur le marché obtenue dans d’autres pays.

A.2.        Évaluation des risques

Le classement d’un essai particulier dans une catégorie de risque devrait être proposé par l’investigateur et/ou le promoteur, et ultérieurement validé par des instances d’agrément ou de contrôle appropriées. Ces instances devraient avoir accès, chaque fois que nécessaire, à des expertises externes, et en particulier pouvoir interroger les organes réglementaires sur le statut du médicament, ou interroger des experts cliniciens sur les normes de soins reconnues.

A.3.        Impact de la catégorisation des risques sur le contrôle et la gestion des essais cliniques

Les Membres devraient veiller à ce que les procédures de contrôle et de gestion des essais cliniques soient adaptées à la catégorie de risque. Plus précisément :

A.3.1 Évaluation éthique et consentement éclairé

Comme il est précisé dans la Déclaration d’Helsinki et dans la ligne directrice E6 de la Conférence Internationale sur l’Harmonisation, les Membres devraient exiger que pour chaque essai, quelle que soit sa catégorie de risque, le protocole soit soumis à l’examen et à l’approbation d’un comité d’éthique ou d’un comité d’examen institutionnel. De même, le consentement éclairé de chaque participant à l’essai devrait être requis, quelle que soit la catégorie de risque (des exceptions peuvent être accordées dans les situations particulières décrites dans les dispositions de la Déclaration d’Helsinki de 2008).

A.3.2 Approbation de l’essai par les organes réglementaires

Les Membres devraient soumettre les essais cliniques des catégories B et C à l’approbation des organes réglementaires concernés, par exemple l’Autorité compétente.

Les Membres peuvent décider de ne pas imposer l’obtention d’une autorisation préalable d’organes réglementaires pour les essais cliniques de catégorie A.

Les Membres devraient veiller à ce que les organes réglementaires soient en mesure d’accéder à l’information par le biais du système d’enregistrement des essais, et à ce qu’ils puissent demander des informations complémentaires si nécessaire, ou procéder à des inspections.  les Membres devraient vivement encourager l’enregistrement public des principaux éléments de chaque essai avant le recrutement des participants (y compris les 20 points figurant dans le Système d’enregistrement international des essais cliniques, ICTRP, de l'OMS1 et la catégorie de risque), et permettre aux patients, investigateurs, chercheurs, professionnels de la santé, promoteurs, comités d’éthique, autorités compétentes, agences de financement et autorités sanitaires d’accéder librement aux informations relatives aux essais en cours.

A.3.3 Notifications relatives à la sécurité

Les Membres devraient veiller à ce que les notifications relatives à la sécurité des essais cliniques de médicaments comprennent, quelle que soit la catégorie de risque, des rapports périodiques aux organes de contrôle appropriés sur les événements indésirables graves. Les effets indésirables graves et inattendus devraient aussi faire l’objet d’une notification immédiate aux organes de contrôle appropriés ayant la capacité de détecter les signaux d’alarme, quelle que soit la catégorie de risque. Il devrait toutefois être possible d’adapter ces procédures en fonction du protocole de chaque essai (voir B.3.3).

A.3.4 Indemnisation et assurance

Les Membres devraient veiller à ce que leur cadre réglementaire tienne compte des catégories de risque à des fins d’indemnisation et d’assurance. Ils devraient en particulier déterminer comment assurer la couverture des patients dans les essais cliniques à faible risque (produits utilisés dans des indications autorisées, ou utilisés hors des indications reconnues dans des régimes thérapeutiques éprouvés, catégories A et Ba) en faisant jouer les mécanismes d’indemnisation par les services de santé ou les régimes d’assurance maladie nationaux, la responsabilité du fait des produits (pour les essais de catégorie A), la responsabilité de l’investigateur ou de l’établissement, et ce sans exiger d’assurance spécifique pour l’essai. En tout état de cause, les patients et les volontaires sains ne devraient supporter le coût d’aucun préjudice imprévu ou dû à la négligence, lié à leur participation à la recherche clinique.

A.3.5 Gestion du médicament

Les Membres devraient veiller à ce que le coût des médicaments dans les essais cliniques des catégories A et Ba soit supporté par les mêmes organes que lorsque la thérapie est utilisée hors du contexte d’un essai clinique.

Les Membres devraient faire en sorte qu’il soit possible d’utiliser des techniques efficaces par rapport aux coûts pour l’étiquetage et la traçabilité des médicaments expérimentaux utilisés dans les essais de catégorie A (et, à titre facultatif, de catégorie B). En fonction de l’objectif et du protocole de l’étude, le médicament devrait pouvoir être distribué du stock de la pharmacie, avec ou sans étiquetage spécifique relatif à l’essai.

Les Membres devraient permettre aux pharmacies de reconditionner et de réétiqueter les médicaments en l’absence d’autorisation spécifique au titre des bonnes pratiques de fabrication (BPF) dans les essais des catégories A et B.

A.3.6 Documentation

Les Membres devraient prévoir que pour les essais cliniques des catégories A et B, le dossier principal de l’étude puisse être adapté et que la brochure d’investigateur soit remplacée par le résumé des caractéristiques du produit. Aucun dossier de médicament expérimental ne devrait être requis pour les essais de catégorie A, et des renvois vers d’autres documents devraient être autorisés pour les essais de catégorie B.

B.           Approche spécifique à l’essai

En plus de l’approche stratifiée générale, les Membres devraient mettre en œuvre une approche complémentaire spécifique à l’essai pour guider les procédures opératoires de chaque essai clinique.

B.1.        Principes d’évaluation des risques

Les promoteurs, prestataires de services, investigateurs, représentants des patients, comités d’éthique et autorités sanitaires devraient mettre au point des outils communs pour l’évaluation des risques liés aux essais particuliers, de telle sorte qu’ils puissent être utilisés dans des études multinationales. Ces outils d’évaluation des risques devraient couvrir les principaux déterminants des risques, et en particulier les :

I. Risques concernant les droits des patients :

1.     information et consentement éclairé

2.     protection des données à caractère personnel

II. Risques concernant l’intégrité physique et la sécurité des patients :

1.     sûreté de l’intervention thérapeutique

2.     risque lié à l’intervention diagnostique

3.     vulnérabilité de la population de patients

III. Risques concernant l’intégrité des résultats et la santé publique :

1.     qualité des données, gestion et analyse des données, accès aux données et leur publication

2.     crédibilité des résultats

3.     impact sur la santé publique.

L’évaluation des risques dans les essais cliniques devrait être envisagée comme un processus dynamique, et faire l’objet d’examens et de mises à jour permanents pendant la conduite de l’essai. Ce processus devrait en particulier tenir compte des modifications, écarts ou événements liés à la sécurité et aux données pertinentes obtenues en dehors de l’étude.

Pour favoriser l’uniformité et la cohérence dans l’évaluation des risques, les Membres devraient organiser une formation à l’évaluation des risques à l’intention des promoteurs, investigateurs, comités d’éthique ou comités d’examen institutionnel, autorités compétentes, compagnies d’assurance ou représentants des patients.

B.2.        Procédure d’évaluation des risques

L’évaluation des risques liés à un essai clinique devrait être entreprise dès les premières étapes, parallèlement à la mise au point du protocole d’essai, de manière à ce que la conception de l’essai, le plan d’atténuation des risques et le plan de gestion de l’essai contenus dans le protocole tiennent pleinement compte de ces risques.

Pour un essai donné, le niveau de risque concernant les droits des patients, leur intégrité physique et leur sécurité devrait être évalué au regard du bénéfice potentiel associé à la recherche.

La nature et l’ampleur du risque lié à un essai particulier devraient être évaluées par l’investigateur et/ou le promoteur.

B.3.        Adaptation au risque et atténuation des risques

La nature et l’ampleur des risques associés à chaque essai devraient influer sur les procédures de contrôle et de gestion de l’essai clinique, et donner lieu à une adaptation des dispositions prises pour atténuer les risques.

B.3.1 Évaluation éthique et consentement éclairé

Comme indiqué en A.3.1, les Membres devraient veiller à ce que les évaluations éthiques et l’obtention du consentement éclairé ne soient pas affectées par la nature et l’intensité du risque et soient conformes aux dispositions de la Déclaration d’Helsinki de 2008 et de la ligne directrice E6 de la Conférence Internationale sur l’Harmonisation.

B.3.2 Approbation par les organes réglementaires

Il devrait être possible d’adapter la teneur du dossier de demande d’autorisation en fonction du protocole de l’essai considéré.

B.3.3 Notifications relatives à la sécurité

Il devrait être possible d’adapter la notification des événements indésirables aux organes de contrôle en fonction de l’essai considéré, de la nature de l’intervention et de l’expérience précédemment accumulée, ainsi que de l’état de santé de la population concernée. Il devrait aussi être possible d’inclure dans le protocole d’essai des dispositions particulières dispensant de notifier certains événements indésirables, en accord avec les organes réglementaires appropriés. L’obligation de recourir à un comité de sécurité et de surveillance des données devrait aussi être liée à la nature de l’essai.

B.3.4 Gestion du médicament

Étant donné que l’objectif de l’essai et l’évaluation des risques peuvent conduire à des méthodes alternatives pour assurer la traçabilité du médicament, l’étiquetage devrait être adapté aux particularités de l’essai, à la procédure d’insu, à la méthode d’administration du médicament ou à la population de patients. Les programmes de respect du traitement devraient aussi être adaptés à l’objectif de l’essai.

B.3.5 Indemnisation/assurance

Les dispositions et les coûts en matière d’indemnisation/assurance, lorsqu’il y a lieu, devraient être proportionnés au risque pour l’intégrité et la sécurité des participants. Il conviendrait d’appliquer des principes d’évaluation des risques analogues à ceux décrits en B.1.II afin de déterminer la nature et l’ampleur du risque concernant l’intégrité physique et la sécurité des patients. Des outils communs d’évaluation des risques devraient être élaborés afin d’aider à évaluer les risques de manière cohérente entre les différents sites.

B.3.6 Gestion de la qualité

La gestion de la qualité des essais devrait être adaptée aux particularités de l’essai ainsi qu’à la nature et à l’ampleur des risques. L’évaluation des risques devrait tenir compte des principaux paramètres de l’essai. Les plans de gestion de la qualité devraient être axés sur l’atténuation des principaux risques.

B.3.7 Procédures de contrôle

Des procédures d’inspection, d’audit et de surveillance devraient être mises en place de manière proportionnée à la stratification des risques et à l’évaluation des risques liés à l’essai particulier, et tenir compte des dispositions prises pour faire face à ces risques.

 



1      www.who.int/ictrp