LE CONSEIL,

Vu les articles 2, 5a) et 5b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques, du 14 décembre 1960 ;

ConsidÉrant que la corruption est un phénomène répandu dans les transactions commerciales internationales, y compris dans les échanges et les investissements, qui suscite de graves préoccupations morales et politiques et fausse les conditions internationales de concurrence ;

ConsidÉrant que tous les pays se doivent de combattre la corruption dans les transactions commerciales internationales ;

ConsidÉrant qu'il importe que les entreprises ne se livrent pas à des actes de corruption à l'égard de fonctionnaires et de titulaires de charges publiques, comme il est indiqué dans les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales ;

ConsidÉrant les progrès qui ont été accomplis dans la mise en oeuvre de la recommandation initiale du Conseil sur la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales adoptée le 27 mai 1994 [C(94)75/FINAL] et de la recommandation connexe sur la déductibilité fiscale des pots‑de‑vin versés à des agents publics étrangers adoptée le 11 avril 1996 [C(96)27/FINAL] ainsi que de la recommandation concernant des propositions de clauses anti‑corruption à intégrer dans les contrats relatifs aux marchés financés par l'aide bilatérale, entérinée par la réunion à haut niveau du Comité d'aide au développement le 7 mai 1996 ;

Se fÉlicitant d'autres évolutions récentes qui ont fait progresser l'entente et la coopération internationales en matière de corruption dans les transactions internationales, notamment les initiatives des Nations Unies, du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et de l'Organisation des Etats Américains ;

Vu l'engagement qui a été pris à la réunion du Conseil au niveau des Ministres de mai 1996 d'incriminer la corruption d'agents publics étrangers de façon efficace et coordonnée ;

Notant qu’une convention internationale conforme aux éléments communs convenus qui figurent à l’annexe constitue un instrument adéquat pour parvenir rapidement à cette incrimination ;

ConsidÉrant le consensus qui s'est dégagé sur les mesures à prendre pour mettre en oeuvre la recommandation de 1994, notamment en ce qui concerne les modalités et les instruments internationaux de nature à faciliter l'incrimination de la corruption d'agents publics étrangers, la déductibilité des pots‑de‑vin versés à des agents publics étrangers, les normes comptables, la vérification externe et les contrôles internes des sociétés ainsi que les réglementations relatives aux marchés publics ;

Reconnaissant que tout progrès dans ce domaine exige non seulement des efforts de chaque pays, mais aussi une coopération, une surveillance et un suivi au niveau multilatéral ;

Généralités

I.            RECOMMANDE que les pays Membres prennent des mesures efficaces pour décourager, prévenir et combattre la corruption des agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales.

II.           RECOMMANDE que chaque pays Membre examine les domaines suivants et, en conformité avec ses principes en matière de compétence et ses autres principes juridiques fondamentaux, prenne des mesures concrètes et significatives pour atteindre cet objectif :

i)           le droit pénal et son application, conformément à la section III et à l'annexe de la présente recommandation ;

ii)          les lois, réglementations et pratiques fiscales afin d'éliminer tout ce qui peut favoriser indirectement la corruption, conformément à la section IV ;

iii)         les normes et pratiques comptables des entreprises et les normes et pratiques des entreprises en matière de vérification externe et de contrôle interne, conformément à la section V ;

iv)        les dispositions bancaires, financières et autres, en vue de la tenue et de la mise à disposition de registres appropriés à des fins d'inspection et d'enquête ;

v)         les subventions publiques, les autorisations publiques, la passation des marchés publics, ou d'autres avantages octroyés par les pouvoirs publics, de façon que ces avantages puissent être refusés à titre de sanction dans les cas appropriés, lorsqu'il y a eu corruption, conformément à la section VI concernant les marchés publics et les marchés financés par l'aide ;

vi)        les lois et réglementations en matière civile, commerciale et administrative, de façon que la corruption soit illégale ;

vii)       la coopération internationale en matière d'enquêtes et autres procédures judiciaires, conformément à la section VII.

Incrimination de la corruption d'agents publics étrangers

III.          RECOMMANDE que les pays Membres incriminent la corruption d'agents publics étrangers de façon efficace et coordonnée en soumettant des propositions à leurs instances législatives d’ici au 1er avril 1998, en conformité avec les éléments communs convenus qui figurent à l’annexe, et en s’efforçant d’obtenir leur adoption d’ici à la fin de 1998.

              DÉCIDE, à cette fin, d’ouvrir rapidement des négociations concernant une convention internationale d’incrimination de la corruption, en conformité avec les éléments communs convenus, cette convention devant être ouverte à la signature à la fin de 1997 en vue de son entrée en vigueur douze mois plus tard.

Déductibilité fiscale

IV.          DEMANDE INSTAMMENT aux pays Membres de mettre en oeuvre rapidement la recommandation de 1996 sur la déductibilité des pots‑de‑vin versés à des agents publics étrangers, afin que, conformément au texte de cette recommandation : « les pays Membres qui ne refusent pas la déductibilité des pots-de-vin versés à des agents publics étrangers réexaminent ce traitement en vue de refuser cette déductibilité. Une telle action peut être facilitée par la tendance à considérer comme illégaux les pots-de-vin versés à des agents publics étrangers. »

Normes comptables, vérification externe et contrôles internes des sociétés

V.           RECOMMANDE que les pays Membres prennent les mesures nécessaires pour que les lois, réglementations et pratiques concernant les normes comptables, la vérification externe et les contrôles internes des sociétés soient conformes aux principes suivants et soient pleinement utilisées pour prévenir et détecter la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

A.      Règles comptables adéquates

i)           Les pays Membres devraient exiger des entreprises qu’elles tiennent des comptes adéquats des sommes reçues ou versées, avec mention de l'objet des encaissements ou versements. Les entreprises ne devraient pas être autorisées à effectuer des transactions hors livres comptables ou à avoir des comptes hors livres comptables.

ii)          Les pays Membres devraient exiger des entreprises qu’elles exposent dans leurs états financiers tous les éléments d’appréciation du passif éventuel.

iii)         Les pays Membres devraient sanctionner de façon adéquate les omissions, falsifications et fraudes dans les comptes.

B.      Vérification externe indépendante

i)           Les pays Membres devraient examiner si les règles concernant l'obligation de se soumettre à une vérification externe des comptes sont adéquates.

ii)          Les pays Membres et les associations professionnelles devraient fixer les normes adéquates pour assurer l'indépendance des vérificateurs externes, afin de leur permettre d'effectuer une évaluation objective des comptes, états financiers et contrôles internes des entreprises.

iii)         Les pays Membres devraient exiger du vérificateur des comptes qui découvre des indices d'éventuels actes illicites de corruption qu'il en informe les dirigeants et, le cas échéant, les organes de contrôle de la société.

iv)        Les pays Membres devraient examiner si les vérificateurs externes des comptes devraient être tenus de signaler les indices d'éventuels actes illicites de corruption aux autorités compétentes.

C.      Contrôles internes des sociétés

i)           Les pays Membres devraient encourager la mise au point et l'adoption de systèmes de contrôle interne adéquats par les sociétés, y compris des règles de conduite.

ii)          Les pays Membres devraient encourager les dirigeants des sociétés à faire dans leurs rapports annuels des déclarations concernant leurs mécanismes de contrôle interne, y compris ceux qui contribuent à empêcher la corruption.

iii)         Les pays Membres devraient encourager la création d'organes de contrôle, indépendants des dirigeants, tels que les comités d'audit des conseils d'administration ou des conseils de surveillance.

iv)        Les pays Membres devraient encourager les sociétés à fournir des moyens de communication ou de protection aux personnes qui ne veulent pas commettre une infraction à la déontologie ou aux normes professionnelles sur les instructions ou sous la pression de leurs supérieurs hiérarchiques.

Marchés publics

VI.          RECOMMANDE :

i)           que les pays Membres appuient les efforts menés à l'Organisation mondiale du commerce en vue d'un accord sur la transparence dans les marchés publics ;

ii)          que les lois et réglementations des pays Membres permettent aux autorités de suspendre l'accès aux marchés publics des entreprises qui ont été convaincues de corruption d'agents publics étrangers en violation de leur loi nationale et que, dans la mesure où les pays Membres appliquent pour les marchés publics des sanctions aux entreprises convaincues de corruption d'agents publics nationaux, ces sanctions soient appliquées de la même manière en cas de corruption d'agents publics étrangers1 ;

iii)         que, conformément à la recommandation du Comité d’aide au développement, les pays Membres exigent des dispositions anti-corruption dans les marchés financés par l'aide bilatérale, encouragent une bonne mise en œuvre des dispositions anti-corruption dans les institutions internationales de développement et collaborent étroitement avec leurs partenaires en développement à la lutte contre la corruption dans tous les efforts de coopération au développement2 ;

Coopération internationale

VII.         RECOMMANDE que les pays Membres, afin de lutter contre la corruption dans les transactions commerciales internationales, en conformité avec leurs principes de compétence et autres principes juridiques fondamentaux, prennent les mesures suivantes :

i)           se concerter et coopérer avec les autorités compétentes des autres pays dans les enquêtes et autres procédures judiciaires concernant des cas spécifiques de corruption dans les transactions commerciales internationales, par des moyens tels que l'échange de renseignements (spontané ou sur demande), la fourniture d'éléments de preuve et l'extradition ;

ii)          faire pleinement usage des accords et arrangements en vigueur d'entraide judiciaire internationale et, au besoin, conclure de nouveaux accords ou arrangements à cette fin ;

iii)         s'assurer que la législation nationale offre une base appropriée pour cette coopération, en particulier au regard du point 8 de l'annexe.

Suivi et modalités institutionnelles

VIII.        CHARGE le Comité de l'investissement international et des entreprises multinationales, par l'intermédiaire de son Groupe de travail sur la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales, d'exécuter un programme de suivi systématique afin de surveiller et de promouvoir la pleine application de la présente recommandation, en coopération avec le Comité des affaires fiscales, le Comité d’aide au développement et d'autres organes de l'OCDE, le cas échéant. Ce suivi comprendra notamment :

i)           la réception des notifications et autres informations qui lui seront soumises par les pays Membres ;

ii)          un examen régulier des mesures prises par les pays Membres pour la mise en œuvre de la recommandation et la formulation de propositions appropriées en vue d'aider les pays Membres dans cette mise en œuvre ; ces examens reposeront sur les procédures complémentaires suivantes :

                une procédure d'auto-évaluation, les réponses des pays Membres à un questionnaire permettant d'évaluer dans quelle mesure la recommandation a été mise en œuvre ;

                une procédure d'évaluation mutuelle, chaque pays Membre étant examiné à tour de rôle par le Groupe de travail sur la corruption, à partir d'un rapport évaluant de façon objective les progrès accomplis par le pays Membre dans la mise en oeuvre de la recommandation ;

iii)         un examen de questions précises ayant trait à la corruption dans les transactions commerciales internationales ;

iv)        un examen des possibilités d'élargissement du champ des travaux de l'OCDE en matière de lutte contre la corruption internationale, de façon à couvrir la corruption dans le secteur privé et la corruption d'agents publics étrangers pour des motifs autres que l'obtention ou la préservation d'un marché ;

v)         l'information régulière du public sur ses travaux et activités et sur la mise en œuvre de la recommandation.

IX.          PREND NOTE de l'obligation qui incombe aux pays Membres de coopérer étroitement à ce programme de suivi, en vertu de l'article 3 de la Convention relative à l'OCDE.

X.           CHARGE le Comité de l'investissement international et des entreprises multinationales de réexaminer la mise en oeuvre de la section III et, en coopération avec le Comité des affaires fiscales, la section IV de la présente recommandation et de faire rapport aux Ministres au printemps 1998, de faire rapport au Conseil après le premier réexamen régulier et en tant que de besoin par la suite et de réexaminer la présente recommandation révisée dans les trois ans suivant son adoption.

Coopération avec les pays non membres

XI.          APPELLE les pays non membres à adhérer à la recommandation et à participer à tout mécanisme institutionnel de suivi ou de mise en oeuvre.

XII.         CHARGE le Comité de l'investissement international et des entreprises multinationales, par l'intermédiaire de son Groupe de travail sur la corruption, de mettre en place une instance de consultation avec les pays qui n'ont pas encore adhéré, afin de promouvoir une plus large participation à la recommandation et à son suivi.

Relations avec les organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales

XIII.        INVITE le Comité de l'investissement international et des entreprises multinationales, par l'intermédiaire de son Groupe de travail sur la corruption, à procéder à des consultations et à coopérer avec les organisations internationales et les institutions financières internationales qui exercent des activités dans le domaine de la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales et à consulter régulièrement les organisations non gouvernementales et les organes représentatifs des entreprises exerçant des activités dans ce domaine.

ANNEXE

Éléments communs convenus de législation pénale et mesures connexes

1)            Éléments de l'infraction de corruption active

i)           On entend par « corruption » la promesse ou l'octroi d'un paiement indu ou d'autres avantages à un agent public, à son profit ou au profit d’un tiers, directement ou par des intermédiaires, en vue d'influencer l'agent public pour qu'il agisse ou omette d'agir dans l'exécution de ses fonctions officielles afin d'obtenir ou de conserver un marché.

ii)          On entend par « agent public étranger », toute personne désignée ou élue détenant un mandat législatif, administratif ou judiciaire dans un pays étranger, ou dans une organisation internationale, ou exerçant une fonction ou tâche publique dans un pays étranger.

iii)         On entend par « offrant » toute personne agissant pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale.

2)            Éléments accessoires de l'infraction

Il est reconnu que les notions, relevant du droit pénal général, de tentative, de complicité et/ou de complot du droit de l'Etat exerçant les poursuites sont applicables à l'infraction de corruption d'un agent public étranger.

3)            Faits justificatifs et moyens de défense

La corruption d'un agent public étranger en vue d'obtenir ou de conserver un marché est une infraction, indépendamment de la valeur ou du résultat de l'acte de corruption, de l'idée qu'on peut se faire des coutumes locales ou de la tolérance de la corruption par les autorités locales.

4)            Compétence

La compétence à l'égard de l'infraction de corruption d'un agent public étranger devrait en tout état de cause être établie lorsque l'infraction est commise en tout ou partie sur le territoire de l'Etat exerçant les poursuites. Le fondement territorial de la compétence devrait être interprété largement, de façon qu’un large rattachement matériel à l'acte de corruption ne soit pas exigé.

Les Etats qui poursuivent leurs ressortissants pour des infractions commises à l'étranger devraient le faire selon les mêmes principes en cas de corruption d'agents publics étrangers.

Les Etats qui n'appliquent pas pour les poursuites le principe de la nationalité devraient être prêts à extrader leurs ressortissants en cas de corruption d'un agent public étranger.

Tous les pays devraient examiner si le fondement actuel de leur compétence est efficace pour combattre la corruption des agents publics étrangers ; dans la négative, ils devraient prendre les mesures correctrices appropriées.

5)            Sanctions

L'infraction de corruption d'agents publics étrangers devrait être passible de sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives, qui soient suffisantes pour assurer une entraide judiciaire et une extradition efficaces et soient comparables à celles applicables au corrupteur en cas de corruption d'agents publics nationaux.

Il devrait être prévu des sanctions pécuniaires ou d'autres sanctions civiles, administratives ou pénales à l'encontre de toute personne morale en cause, compte tenu du montant de la corruption et des avantages découlant de la transaction obtenue par corruption.

Il devrait être prévu la confiscation des instruments de la corruption et des avantages qu'elle a procurés ainsi que des avantages découlant des transactions obtenues par corruption, ou des amendes ou réparations comparables.

6)            Mise en oeuvre

Compte tenu de la gravité de l'infraction de corruption d'agents publics étrangers, les autorités publiques chargées des poursuites devraient exercer leur marge d'appréciation de façon indépendante, sur la base de motifs professionnels. Elles ne devraient pas être influencées par des considérations d'intérêt économique national, le souci de bonnes relations politiques ou l'identité de la victime.

Les autorités compétentes devraient sérieusement enquêter sur les plaintes des victimes.

Le délai de prescription devrait être suffisant au regard de la complexité de l'infraction.

Au niveau national, les pouvoirs publics devraient doter les autorités chargées des poursuites de ressources adéquates, de façon que l'infraction de corruption d'agents publics étrangers puisse être efficacement poursuivie.

7)            Dispositions connexes (pénales et non pénales)

                Normes comptables, tenue des livres et obligations de divulgation d'informations

Pour combattre efficacement la corruption d'agents publics étrangers, les Etats devraient également sanctionner de façon adéquate les omissions, falsifications et fraudes comptables.

                Blanchiment de capitaux

La corruption d'agents publics étrangers devrait être considérée comme une infraction grave et constituer une infraction principale aux fins de la législation relative au blanchiment de l'argent quand la corruption d’agents publics nationaux constitue une infraction principale relative au blanchiment de l’argent, quel que soit le lieu où la corruption s'est produite.

8)            Coopération internationale

Une entraide judiciaire efficace est cruciale pour les enquêtes et l'obtention de preuves aux fins des poursuites concernant la corruption d'agents publics étrangers.

L'adoption de lois incriminant la corruption d'agents publics étrangers éliminerait les obstacles à l'entraide judiciaire qui résultent de l'obligation de double incrimination.

Les pays devraient concevoir leurs lois en matière d'entraide judiciaire de façon à permettre une coopération avec les pays enquêtant sur la corruption d'agents publics étrangers, y compris les pays tiers (pays de l'offrant ; pays où l'acte a été commis) et les pays appliquant à cette corruption des types différents de législation d'incrimination.

Il faudrait étudier et mettre en oeuvre les moyens de nature à rendre l'entraide judiciaire plus efficace.



1              Les systèmes utilisés par les pays Membres pour sanctionner la corruption des fonctionnaires nationaux diffèrent selon qu’il s’agit d’une condamnation pénale, d’une mise en accusation ou d’une procédure administrative, mais dans tous les cas les preuves doivent être substantielles.

2              Ce paragraphe résume la recommandation du CAD, qui n'est adressé qu'aux membres du CAD ; les destinataires sont maintenant tous les Membres de l'OCDE et, éventuellement, les pays non membres qui souscrivent à la recommandation.