LE CONSEIL,

VU les articles 1, 2 a), 3 et 5 b) de la Convention relative à l'Organisation de coopération et de développement économiques en date du 14 décembre 1960 ;

VU la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales adoptée le 21 novembre 1997, la Recommandation révisée du Conseil sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales adoptée le 23 mai 1997 et la Recommandation sur les propositions de clauses anti-corruption à intégrer dans les contrats relatifs aux marchés financés par l'aide bilatérale adoptée par le Comité d'aide au développement le 7 mai 1996 ;

NOTANT que la législation d'un certain nombre de pays Membres s'inspire aussi d'autres instruments juridiques internationaux sur les marchés publics et la lutte contre la corruption élaborés dans le cadre des Nations unies, de l'Organisation mondiale du commerce ou de l'Union européenne ;

RECONNAISSANT que les marchés publics constituent une activité économique fondamentale des pouvoirs publics qui est particulièrement vulnérable aux irrégularités de gestion, à la fraude et à la corruption ;

RECONNAISSANT que les efforts visant à renforcer la bonne gouvernance et l'intégrité dans les marchés publics contribuent à une gestion efficace et efficiente des ressources publiques et, par là même, de l'argent des contribuables ;

NOTANT que les efforts internationaux déployés pour appuyer les réformes des marchés publics ont, par le passé, principalement mis l'accent sur des mesures visant à favoriser le caractère concurrentiel des appels d'offres dans le but de garantir des règles du jeu équitables dans la sélection des fournisseurs ;

RECONNAISSANT que les pays Membres partagent le même intérêt pour la prévention des risques pesant sur l'intégrité tout au long du cycle de passation des marchés publics dans son intégralité, de l'évaluation des besoins à la gestion des contrats et à leur paiement ;

Sur la proposition du Comité de la gouvernance publique :

I.          RECOMMANDE :

1.         que les pays Membres prennent les mesures appropriées pour élaborer et mettre en œuvre un cadre adéquat destiné à renforcer l'intégrité dans l'ensemble du cycle de passation des marchés publics, de l'évaluation des besoins à la gestion du contrat et au paiement ;

2.         que, lors de la définition des mesures destinées à renforcer l'intégrité dans les marchés publics, les pays Membres prennent en compte les principes énoncés en annexe à la présente recommandation dont elle fait partie intégrante ;

3.         que les pays Membres diffusent également ces principes auprès du secteur privé, qui joue un rôle important dans la fourniture de biens et de services d'utilité publique.

II.         INVITE le Secrétaire général à diffuser ces Principes auprès des économies non-membres et à les encourager à les prendre en compte pour favoriser la gouvernance publique, l'efficacité de l'aide, la lutte contre la corruption internationale et la concurrence.

III.        CHARGE le Comité de la gouvernance publique de rendre compte au Conseil des progrès réalisés dans la mise en œuvre de cette Recommandation dans les trois ans suivant son adoption et régulièrement par la suite, en consultation avec les autres Comités concernés.


 

ANNEXE

 

PRINCIPES POUR RENFORCER L'INTÉGRITÉ DANS LES MARCHÉS PUBLICS

I.          Objectifs et portée

1.         La Recommandation fournit aux responsables de l'action publique des Principes pour renforcer l'intégrité dans l'ensemble du cycle de passation des marchés publics, en tenant compte des instruments internationaux aussi bien que des législations nationales et des structures organisationnelles propres aux pays Membres.

2.         Cette Recommandation est principalement conçue à l'intention des responsables de l'action publique des administrations nationales, mais offre également des directives de portée générale à l'intention des administrations infranationales et des entreprises publiques.

II.         Définitions

Cycle de passation des marchés publics

3.         Dans le contexte de la présente Recommandation, le cycle de passation des marchés publics s'entend comme la séquence des activités qui s'y rattachent, partant de l'évaluation des besoins au stade de l'attribution, jusqu'à la gestion du contrat et à son paiement final.

Intégrité

4.         La Recommandation est conçue pour être appliquée à tout un éventail de risques menaçant l'intégrité dans le cycle de passation des marchés publics. L'intégrité peut se définir comme une utilisation de fonds, de ressources, d'actifs et de pouvoirs qui soit conforme à son intention officielle et tienne compte de l'intérêt public. Pour définir une stratégie efficace de prévention des violations de l'intégrité dans le domaine des marchés publics, il peut aussi être utile de définir l'intégrité a contrario. Les violations de l'intégrité incluent notamment :

·            la corruption, notamment les pots-de-vin, les commissions occultes, le népotisme, le copinage ou le clientélisme ;

·            la fraude et le détournement de ressources, par exemple au moyen de la substitution de produits pendant la livraison entraînant la fourniture de matériaux de moindre qualité ;

·            les conflits d'intérêts dans le service public et durant l'après-mandat public ;

·            la collusion ;

·            le détournement et la manipulation d'informations ;

·            les discriminations dans le processus de passation des marchés publics ; ou encore

·            le gaspillage et le détournement des ressources de l'administration.

III.        Principes

5.         Les dix Principes qui suivent sont fondés sur l'application d'éléments de bonne gouvernance dans le but de renforcer l'intégrité dans les marchés publics. Il s'agit en particulier d'éléments qui relèvent de la transparence, de la bonne gestion, de la prévention de comportements réprouvés, ainsi que de l'obligation de rendre des comptes et du contrôle. Un aspect important de l'intégrité dans les marchés publics tient à l'obligation fondamentale de traiter les fournisseurs potentiels et contractants de manière équitable.

A.         Transparence

1.         Les pays Membres devraient instaurer un degré de transparence adéquat à toutes les étapes du cycle de passation des marchés publics pour assurer un traitement juste et équitable des fournisseurs potentiels.

6.         Les pouvoirs publics devraient fournir aux fournisseurs potentiels et contractants des informations claires et cohérentes, de façon à ce que le processus de passation des marchés publics soit bien compris et mis en œuvre de façon aussi équitable que possible. Les pouvoirs publics devraient favoriser la transparence en direction des fournisseurs potentiels et des autres parties prenantes, par exemple les organismes de surveillance, non seulement en ce qui concerne la conclusion des contrats, mais également à toutes les étapes du cycle de passation des marchés publics. Les pouvoirs publics devraient adapter le degré de transparence en fonction du destinataire de l'information et de l'étape du cycle concernée. En particulier, les pouvoirs publics devraient protéger les informations confidentielles de manière à garantir des règles du jeu équitables aux fournisseurs potentiels et à éviter la collusion. Ils devraient aussi s'assurer que les règles de passation des marchés publics obligent à respecter un degré de transparence propre à renforcer le contrôle de la corruption sans créer de « paperasserie » inutile, de manière à garantir l'efficacité du système.

2.         Les pays Membres devraient s'efforcer d'assurer une transparence maximale dans les appels d'offres et prendre des mesures de précaution pour renforcer l'intégrité, en particulier en cas de dérogation aux règles d'appel à la concurrence.

7.         Afin de garantir un processus concurrentiel de qualité, les pouvoirs publics devraient communiquer des règles claires et, si possible des orientations, sur le choix de la méthode de passation du marché retenue ainsi que sur les dérogations éventuelles aux règles d'appel à la concurrence. Bien que la méthode de passation du marché puisse être adaptée au type de marché concerné, les pouvoirs publics devraient, dans tous les cas, garantir une transparence maximale dans les appels d'offres. Ils devraient envisager de mettre en place des procédures destinées à diminuer les risques pesant sur l'intégrité grâce à une transparence accrue, à des orientations plus claires et à des contrôles plus stricts, en particulier en cas de dérogation aux règles d'appel à la concurrence, notamment pour des motifs d'extrême urgence ou de sécurité nationale.

B.         Bonne gestion

3.         Les pays Membres devraient s'assurer, lors de la passation de marchés, que l'usage des deniers publics est conforme à leur intention.

8.         La planification des marchés publics et des dépenses correspondantes est essentielle pour traduire une vision stratégique à long terme des besoins des administrations. Les pouvoirs publics devraient établir un lien entre les marchés publics et les systèmes publics de gestion financière de façon à renforcer la transparence et l'obligation de rendre des comptes, et à optimiser l'utilisation des ressources publiques. Des organismes de surveillance tels que des organes de contrôle interne ou d'audit interne, des cours des comptes ou des comités parlementaires devraient suivre la gestion des fonds publics pour vérifier que les besoins ont été correctement estimés et que l'usage des deniers publics est conforme à leur intention.

4.         Les pays Membres devraient s'assurer que les fonctionnaires chargés de la passation des marchés publics satisfont à des normes professionnelles élevées en termes de savoir, de compétences et d'intégrité.

9.         Accorder aux fonctionnaires qui travaillent dans le domaine des marchés publics le statut de profession à part entière est essentiel pour mieux résister à la mauvaise gestion, au gaspillage et à la corruption. Les pouvoirs publics devraient investir en conséquence dans les marchés publics et offrir des incitations adéquates pour attirer des fonctionnaires hautement qualifiés. Ils devraient également veiller à une mise à niveau régulière du savoir et des compétences des fonctionnaires concernés pour tenir compte des évolutions en matière de réglementation, de gestion et de technologie. Les fonctionnaires devraient avoir connaissance des normes d'intégrité et être en mesure d'identifier tout conflit potentiel entre leurs intérêts privés et leurs missions publiques susceptible d'avoir une influence sur la prise de décision publique.

C.         Prévention des comportements réprouvés, respect des règles et surveillance

5.         Les pays Membres devraient mettre en place des mécanismes destinés à prévenir les risques pesant sur l'intégrité dans les marchés publics.

10.        Les pouvoirs publics devraient mettre en place des cadres institutionnels ou des procédures pour mettre davantage les fonctionnaires chargés de la passation des marchés publics à l'abri de toute influence indue exercée par des hommes politiques ou des fonctionnaires de rang plus élevé. Les pouvoirs publics devraient par ailleurs vérifier que les fonctionnaires impliqués dans les marchés publics sont choisis et nommés en fonction de valeurs et de principes, en particulier sur la base de l'intégrité et du mérite. En outre, ils devraient identifier les risques pour l'intégrité pesant sur les postes, les activités ou les projets potentiellement sensibles. Les pouvoirs publics devraient lutter contre ces risques en mettant en place des mécanismes de prévention adéquats, propres à favoriser une culture d'intégrité dans le service public, par exemple en organisant des formations sur le thème de l'intégrité, en instaurant des règles de déclaration des actifs et en divulguant et en gérant les conflits d'intérêts.

6.         Les pays Membres devraient encourager une coopération étroite entre les pouvoirs publics et le secteur privé pour préserver des normes d'intégrité élevées, en particulier dans la gestion des contrats.

11.        Les pouvoirs publics devraient fixer des normes claires en matière d'intégrité et veiller à ce qu'elles soient respectées à toutes les étapes du cycle de passation des marchés publics, en particulier dans la gestion des contrats. Les pouvoirs publics devraient consigner les informations relatives à l'expérience avec les différents fournisseurs afin d'aider les fonctionnaires à prendre leurs décisions futures. Les fournisseurs potentiels devraient eux aussi être encouragés à prendre des mesures volontaires pour renforcer l'intégrité dans leurs relations avec les administrations. Les pouvoirs publics devraient poursuivre le dialogue avec les organisations professionnelles de fournisseurs pour se tenir au fait des évolutions du marché, réduire les asymétries d'information et optimiser l'utilisation des deniers publics, en particulier pour les marchés de montants élevés.

7.         Les pays Membres devraient prévoir des mécanismes spécifiques pour surveiller les marchés publics ainsi que déceler les fautes commises et les sanctionner.

12.        Les pouvoirs publics devraient mettre en place des mécanismes permettant de suivre les décisions et de repérer les irrégularités ou les cas de corruption potentiels dans les marchés publics. Les fonctionnaires chargés du contrôle devraient être au fait des techniques et des acteurs de la corruption afin de faciliter la détection de fautes dans les marchés publics. A cette fin, les pouvoirs publics devraient également envisager de mettre en place des procédures permettant de faire état de comportements fautifs éventuels et de protéger de représailles les fonctionnaires qui donnent l'alerte. Enfin, les pouvoirs publics devraient non seulement définir des sanctions prévues par la loi, mais également faire en sorte que ces sanctions puissent, en cas de violation, être appliquées de manière efficace, proportionnée et dans les délais voulus.

D.         Obligation de rendre des comptes et contrôle

8.         Les pays Membres devraient définir clairement la chaîne des responsabilités et mettre en place des mécanismes de contrôle efficaces.

13.        Les pouvoirs publics devraient définir clairement la chaîne des responsabilités et pour cela, déterminer à qui appartient le pouvoir d'approbation d'un marché public, en procédant à une séparation adéquate des tâches, et définir les obligations de déclaration interne. En outre, la régularité et l'exhaustivité des contrôles devraient être proportionnelles aux risques encourus. Les contrôles internes et externes devraient être complémentaires et être soigneusement coordonnés de manière à éviter toute lacune ou maillon faible, et à garantir que les informations fournies par les contrôles soient aussi complètes et aussi utiles que possible.

9.         Les pays Membres devraient traiter les réclamations des fournisseurs potentiels de manière équitable et dans les délais prévus.

14.        Les pouvoirs publics devraient garantir que les fournisseurs potentiels puissent accéder de manière efficace et en temps voulu aux systèmes de réexamen des décisions en matière de marchés publics, et que leurs réclamations soient promptement traitées. Pour garantir l'impartialité de ce réexamen, un organisme ayant le pouvoir de faire appliquer la loi et indépendant des différentes entités concernées par les marchés publics devrait rendre un avis sur les décisions en matière de marchés publics, et proposer des moyens de recours. Les pouvoirs publics devraient également envisager de mettre en place d'autres mécanismes de règlement des différends afin de réduire les délais de traitement des plaintes. Ils devraient enfin analyser les recours aux systèmes de réexamen afin d'identifier les risques que des entreprises individuelles puissent utiliser ces systèmes de réexamen pour interrompre ou influencer des appels d'offres de façon indue. Cette analyse des systèmes de réexamen devrait également permettre d'identifier des possibilités d'amélioration de la gestion dans les domaines-clés des marchés publics.

10.        Les pays Membres devraient permettre aux organisations de la société civile, aux médias et au grand public de suivre de près la passation des marchés publics.

15.        Les pouvoirs publics devraient publier à l'intention des organisations de la société civile, des médias et du grand public des informations sur les principales clauses des grands contrats. Les rapports des organismes de surveillance devraient eux aussi être mis à la disposition du plus grand nombre afin de renforcer la vigilance du public. En complément de ces mécanismes traditionnels de reddition de comptes, les pouvoirs publics devraient envisager de faire participer des représentants d'organisations de la société civile et du grand public au suivi des marchés de montants élevés ou complexes où les risques de mauvaise gestion et de corruption sont significatifs.